L’équité dans l’optique de la santé et de la sécurité au travail
Utiliser le modèle source-parcours-travailleur pour centrer l’équité
La pandémie de la COVID-19 et les réponses subséquentes par nos employeurs respectifs ont souligné les iniquités systémiques non seulement dans le financement de notre travail, mais également dans l’exposition inéquitable des travailleuses et des travailleurs au risque, en fonction des circonstances individuelles des tâches de leur poste. Ce qu’on mentionne moins souvent c’est l’idée que les caractéristiques individuelles d’une personne comme (sans y être exclusif) la race, le genre, l’orientation sexuelle ou la capacité a un impact important sur l’exposition au risque et l’accès aux processus de santé et de sécurité. La pandémie a dévoilé dans quelle mesure les travailleuses et travailleurs Noirs, Autochtones et racialisés faisaient face à des taux d’exposition plus élevés à la COVID-19 et à des niveaux de protection plus faibles (VAW Learning Network, n.d.).
Les effets du racisme sur la santé et le bien-être des peuples Noirs, Autochtones et racialisés ont été très bien documentés (Nestel, 2012; ACSP, 2020). Récemment, on a demandé que le racisme soit déclaré comme étant un problème de santé publique (Nembhard et White, 2020). Le racisme et les autres formes d’oppression qui existent dans le secteur de l’éducation constituent un danger et devraient être cernés puisqu’ils ont un impact négatif sur le bien-être de nos Membres. Toutefois, ces mêmes oppressions sont souvent difficiles à déterminer et encore plus à atténuer en raison de la mesure à laquelle elles ont imprégnées dans nos pratiques de tous les jours. Nos employeurs se sont empressés d’adopter des pratiques curriculaires de lutte contre le racisme et de lutte contre l’oppression, mais ils perçoivent ces problèmes comme étant distincts des comités et des espaces traditionnels de la santé et sécurité. Le racisme et l’oppression constituent en fait un danger pour la santé et la sécurité des Membres d’OSSTF/FEESO et, de ce fait, doivent figurer aux discussions dans ces espaces au moyen des mécanismes de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) afin de mieux protéger la santé des travailleuses et des travailleurs.
La pandémie a tout de même eu un petit côté positif—à savoir que les travailleuses et les travailleurs jouissent maintenant d’une capacité de libellé en matière de santé et sécurité qu’ils n’avaient pas auparavant. Les Membres d’OSSTF/FEESO sont maintenant mieux outillés pour parler des dangers en milieu de travail et de leurs stratégies d’atténuation—que ces mesures soient prises à la source du danger, lors du danger ou auprès de la travailleuse ou du travailleur même. Et si les dangers sont en réalité les pratiques oppressives au sein du secteur de l’éducation? L’étude d’un danger au moyen de ce modèle peut également être utilisée dans le but d’analyser et de discuter des préjudices faits à certains membres de notre syndicat en raison du racisme et de l’oppression systémiques. Nous devrions être en mesure de transférer l’apprentissage que nous avons acquis lors de la pandémie en matière de santé et de sécurité et de l’appliquer aux stratégies nécessaires pour aider à mettre fin aux préjudices infligés aux Membres d’OSSTF/FEESO en raison de leur impact comme dangers psychosociaux. Puisqu’ils représentent un danger, il va de soi de faire des recommandations à leur sujet lors des réunions de nos Comités mixtes de santé et de sécurité (CMSS).
Pour toute situation dange-reuse à laquelle sont exposés les travailleuses et nos travailleurs, l’intervention devrait être simple. Dans une situation de pandémie, nous recommanderions des mesures comme l’amélioration de la ventilation et le port du masque. S’il y a de l’amiante dans un édifice, nous prenons les mesures qui se doivent pour l’éliminer. Cependant, qu’en est-il si le danger est notre langage, le matériel que nous utilisons en salle de classe ou les pratiques adoptées au quotidien par l’administration? Pour la plupart des dangers, le parcours à suivre est beaucoup plus clair et nous ne nous fions jamais strictement aux personnes qui vivent le danger pour nous montrer comment y remédier. À titre de syndicat, nous lutterions pour des mesures et un changement afin que tous puissent jouir d’un lieu de travail plus sécuritaire. Nous adopte-rions la position voulant que les travailleuses et les travailleurs ont le droit de rentrer à la maison tout aussi entiers qu’à leur arrivée. Alors pourquoi est-ce différent lorsqu’il s’agit du racisme et de l’oppression? Moyennant la bonne défense des intérêts, les dispositions et les droits que nous avons en vertu de la LSST s’alignent bien à ces efforts et nous donnent une forte influence pour apporter un changement au moyen d’une optique de lut-te contre le racisme et de lutte contre l’oppression. Nous devons renforcer cette capacité au sein de nos espaces de santé et de sécurité et favoriser les conversations entourant l’équité, la lutte contre le racisme et la lutte contre l’oppression.
Lorsqu’on analyse un danger pour la santé et la sécurité d’une travailleuse ou d’un travailleur, il faut mesurer la meilleure façon d’atténuer ses effets néfastes. Une des façons d’y arriver est de passer en revue les types de contrôle :
Si on tente d’atténuer le danger à la source, un employeur pourrait emballer une substance toxique différemment lors de son usage. Si cela n’est pas faisable, le long du parcours, on pourrait changer la ventilation de l’endroit afin d’essayer de contrôler l’accès du gaz to-xique à la travailleuse ou au travailleurs alors qu’ils exécutent une tâche. Dans des situations comme une pandémie, la stratégie d’atténuation sera vraisemblablement au niveau de la travailleuse ou du travailleur—soit sous forme d’une tenue de protection contre les matières dangereuses, d’un masque respiratoire ou de gants. Plus le danger est à proximité de la travailleuse ou du travailleur, moins l’atténuation est efficace. Par conséquent, bien qu’il soit sensé de porter un masque pour essayer de se protéger contre la COVID-19, une stratégie beaucoup plus efficace est d’améliorer la ventilation, des unités HEPA, des congés de maladie rémunérés, etc. Ce sont tous là des exemples de stratégies le long du parcours. Cependant, comment arrive-t-on alors à atténuer le racisme et l’oppression systémiques au moyen d’une optique de santé et de sécurité?
Si nous appliquons le modèle Source à Parcours à Travailleuse/Travailleur à ce danger, nous ne pouvons pas simplement isoler les personnes qui sont touchées par le danger au moyen d’un ÉPI ou d’autres stratégies « au niveau de la travailleuse ou du travailleur »—car en agissant ainsi, nous reconnaissons seulement que le danger, sans y remédier. Dans toutes les situations de santé et de sécurité, il s’agit de la stratégie la moins efficace. Nous devons plutôt nous concentrer sur les stratégies « le long du parcours » ou « à la source » et cela nécessite une défense des intérêts dans nos espaces sur la santé et la sécurité. Les stratégies d’atténuation les plus efficaces sont toujours à la source du danger—ce qui nécessite une transformation du système même. Bien que ce travail nécessite du temps, ne rien faire n’est pas une option parce que si nous ne faisons rien, les préjudices se poursuivront dans l’intérim et l’inaction ne fait qu’accentuer le danger existant. Nous devons agir, même face à une importante résistance. Des exemples d’action qu’une unité de négociation peut prendre comprennent la négociation pour des espaces de comité protégés auprès de nos employeurs, en se concentrant sur la violence en milieu de travail et les expériences intersectionnelles des groupes de travailleuses et de travailleurs. Ces discussions pourraient également se concentrer sur la culture du signalement et les représailles de l’administration, tout en en veillant à cerner les meilleures pratiques et les recommandations aux conseils scolaires et aux responsables de la création de politiques. Cela pourrait bien fonctionner relativement à la position de notre syndicat indiquant que les conseils scolaires n’utilisent pas leurs Comités en matière d’équité, de diversité et d’inclusion pour discuter des expériences des employé(e)s, choisissant plutôt de de se concentrer sur les changements aux pratiques liés aux élèves. Les Membres d’OSSTF/FEESO vivent des actes de violence et de préjudice en raison de leurs interactions avec le public et leurs élèves, mais bon nombre de ces situations ne sont pas explorées dans leur contexte intégral. Elles sont plutôt séparées des discussions traditionnelles en matière de santé et de sécurité—alors négocions pour l’espace requis afin de lutter de plein fouet contre ces réalités auprès de nos employeurs. Ces types de changements sont difficiles, mais essentiels à notre travail comme personnel en éducation et surtout, à nos efforts de défense des intérêts pour le bien commun de toutes et tous au sein de l’éducation publique.
Dans le continuum de la santé et de la sécurité, la prochaine intervention la plus efficace serait « le long du parcours », ce qui nécessite des changements tant dans les politiques de l’employeur que dans les actions des simples travailleuses et travailleurs de l’organisme. À titre d’OSSTF/FEESO, nous devons faire le parcours, pour ainsi dire, vers un système d’éducation plus équitable et nous avons les mécanismes nécessaires pour apporter des changements ou tout au moins obtenir une réponse par écrit de la part de l’employeur à savoir pourquoi ils laissent les préjudices se perpétuer. Nous avons les moyens d’utiliser les dispositions de ce qu’on appelle les recommandations dans un délai de 21 jours en vertu de la LSST, article 9.21. Nous pouvons faire ces recommandations de bonne foi afin de passer en revue les aspects du racisme et de l’oppression, y compris, sans s’y limiter, aux tendances de violence en milieu de travail, l’application de politiques sur la lutte contre le harcèlement et tout autre danger que nous pouvons cerner dans nos lieux de travail. Nous pouvons poser à nos employeurs les questions difficiles au sujet de leur responsabilité de protéger leurs travailleuses et leurs travailleurs de préjudices en vertu de l’article 32.0.1 de la LSST et, s’ils ne sont pas d’accord avec nos recommandations, ils sont tenus d’exprimer par écrit leur justification à savoir pourquoi ils ne changeront pas leurs politiques et procédures. Il s’agit d’une exigence en vertu de l’article 9.21 que les employeurs doivent répondre par écrit dans les 21 jours de notre soumission. Si nos employeurs s’opposent à ces questions difficiles ou refusent d’agir même en présence de données et de tendances claires qui démontrent que ces préjudices sont perpétués, nous pouvons poser un grief ou impliquer les inspecteurs du ministère du Travail, lorsqu’approprié. Le plus important, c’est que nous poussions collectivement nos employeurs respectifs à indiquer par écrit leurs actions (ou inactions) concernant ces recommandations appuyées par des données et que nous partagions les résultats avec l’ensemble du syndicat. Nous pouvons et devrions utiliser ces mécanismes afin de tenir nos employeurs responsables de façon uniforme concernant les dangers dans nos lieux de travail qui sont appuyés par des données et qui ne sont toujours pas atténués présentement.
Une partie du travail « le long du parcours » est le besoin de repenser ce qui constitue un danger dans les discussions en santé et sécurité. Les représentants certifiés ont la consigne de signaler les dangers qui correspondent beaucoup plus fidèlement aux systèmes de repérage, que nos employeurs sont heureux de conserver comme statu quo, puisqu’ils sont plus faciles à gérer. Jones et Okun discutent d’une liste de caractéristiques de la culture de suprématie blanche qui est présente dans nos organismes, qui témoigne de cette tendance vers le maintien de l’ancienne façon de faire les choses. Par exemple, les auteurs décrivent la tendance des organismes à fonctionner « de façon urgente » dans le but de résoudre les problèmes (Jones and Okun, 1999). D’une perspective de santé et sécurité, cela entraîne la création de listes de vérification pour les inspections de santé et de sécurité qui n’incluent pas les questions plus complexes comme les dangers psychosociaux ou les impacts de l’oppression sur les travailleuses et les travailleurs. Jones et Okun soulignent également une tendance vers la quantité plutôt que la qualité où « toutes les ressources de l’organisme sont utilisées pour réaliser des buts mesurables » (Jones et Okun, 1999). Lorsque nous traduisons ceci en travail en matière de santé et sécurité, il se reflète lorsqu’on parle du nombre d’inspections de bouches de ventilation, de changements de filtre ou d’incidences de glissades et trébuchements. Bien qu’il s’agisse d’éléments importants à discuter et à prendre note, il y a une forte concentration sur ce type de dangers, ce qui entraîne des réunions de comité où les programmes portent davantage sur le bien-être d’un édifice physique que la santé et la sécurité de nos travailleuses et de nos travailleurs qui y travaillent. Les dangers psychosociaux sont complexes et nécessitent plus de temps et de ressources afin d’y remédier. Nous devons mettre en question la notion que, même si un danger est complexe, cela ne veut pas dire qu’on ne devrait pas lui accorder la priorité. Voilà comment situer le travail de lutte contre l’oppression comme enjeu de santé et de sécurité.
OSSTF/FEESO a beaucoup de travail en matière de lutte contre le racisme et de lutte contre l’oppression au sein de notre propre Fédération. Nous avons nos propres obstacles à la participation qui ont entraîné l’absence ou la réduction au silence de la voix de groupes à la recherche d’équité. Le rapport du TUC intitulé Health, Safety and Racism in the Workplace: A Study of Black Workers’ Experiences indique que dans le contexte du Royaume-Uni, « les travailleuses et les travailleurs Noirs forment une minorité disproportionnée de représentants en santé et sécurité » (p. 3). Le rapport souligne également qu’une partie de la raison pour le manque de représentants racialisés était la peur de victimisation, de représailles et de dangers psychosociaux connexes en raison de trop d’interactions avec l’administration (TUC, 2022). Je crois réellement qu’en termes des propres pratiques d’OSSTF/FEESO, un examen de la composition démographique de nos représentants de santé et sécurité serait de la plus haute importance lorsqu’on examine l’influence que l’oppression systémique continue d’avoir dans nos propres espaces. La présence de représentants qui reflètent la diversité des communautés dans lesquelles nous vivons et travaillons serait extrêmement profitable afin de cerner les pratiques racistes et oppressives insidieuses dans nos lieux de travail. Il est important de rehaus-ser la représentation, mais il est tout aussi essentiel d’offrir des espaces sécuritaires, exempts de conséquences pour celles et ceux qui signalent des situations, qui favorisent la tenue de ces conversations. Bien qu’il soit important de créer des espaces et des occasions, nous devons également nous rappeler que des obstacles à la participation continuent d’exister dans nos espaces de travail et syndicaux qu’il incombe à tous d’aborder. J’ose espérer que peut-être nos agentes et agents de lutte contre l’oppression, de lutte contre le racisme et en matière d’équité récemment établis au niveau des districts pourraient nous aider à lutter contre cet aspect de notre pratique.
Dans la section de la conclusion du rapport du TUC, il est noté qu’il y a « un lien intrinsèque entre la race et la santé et sécurité et l’inégalité du risque » (TUC, 2022). Bien que cette recherche ait été conçue principalement pour étudier les expériences des travailleuses et des travailleurs Noirs pendant la pandémie, elle a déterminé en général qu’une « …concentration sur le risque peut faire en sorte que l’impact du racisme est négligé comme facteur central de la santé et de la sécurité des travailleuses et des travailleurs » (TUC, 2022). Il semble plus que temps qu’OSSTF/FEESO commence à encourager nos unités de négociation à ne pas permettre aux employeurs d’isoler le travail en matière d’équité de l’impact du racisme et de l’oppression sur la santé et la sécurité des travail-leuses et des travailleurs. En même temps, comme Fédération, nous devrions être déterminés à éliminer les obstacles existants qui empêchent ou découragent ou empêchent les membres à la recherche d’équité de participer davantage aux espaces de santé et de sécurité. L’habilitation, le mentorat et l’occasion demeurent fermement au sein de notre syndicat. Nous avons besoin d’un plus grand nombre de représentants qui reflètent les communautés et la composition de nos lieux de travail. Le travail en matière d’équité est difficile —mais il s’agit d’une stratégie d’atténuation nécessaire pour favoriser la santé et la sécurité de nos membres. Nous avons besoin de plus d’actions « le long du parcours » maintenant pour y arriver correctement. Lorsque le concept de la santé et la sécurité est isolé de l’équité et de la lut-te contre l’oppression, il freifine certains des aspects de la décolonisation les plus difficiles et les plus importants de nos lieux de travail et de nos espaces syndicaux qui doivent se produire.
Works Cited
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Kenneth, J. & Okun, T. (1999). “White Supremacy Culture. dRworks Collaborative. Internet.” Retrieved from: https://www.whitesupremacyculture.info/uploads/4/3/5/7/43579015/okun_-_white_sup_culture.pdf
Nembhard S. & White K., (2020, November 11). “It’s Time to Declare Racism a Public Health Issue.” Urban Wire Institute. Washington D.C. Retrieved from: https://www.urban.org/urban-wire/its-time-declare-racism-public-health-issue
Nestel, S. (2012, January). “Colour Coded Health Care: The Impact of Race and Racism on Canadian’s Health.” Wellesley Institute. Toronto, ON. Retrieved from: https://www.wellesleyinstitute.com/wp-content/uploads/2012/02/Colour-Coded-Health-Care-Sheryl-Nestel.pdf
Trades Union Congress <TUC> (2020, July). “Health, Safety & Racism in the Workplace: A Study of Black Worker’s Experiences.” Centre for Research on Employment and Work, University of Greenwich. Retrieved from: https://www.tuc.org.uk/sites/default/files/2022-08/HealthSsafetyRacism.pdf
VAW Learning Network, (n.d.) “More Exposed & Less Protected in Canada: Racial Inequality as Systemic Violence During COVID-19.” Centre for Research & Education on Violence Against Women & Children. London, ON. Retrieved from: https://www.vawlearningnetwork.ca/docs/Systemic-Racism-Covid-19-Backgrounder.pdf
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