Bilan de la ronde de négociation de 2019-2020

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Une lutte difficile, mais qui peut être gagnée

Lors de la ronde de négociation collective de 2019-2020 de la maternelle à la 12e année, OSSTF/FEESO a mené la riposte contre les efforts du gouvernement Ford visant à augmenter massivement les effectifs des classes et à imposer l’apprentissage en ligne obligatoire aux élèves du secondaire. Ces luttes ont été en grande partie gagnées, avec la réduction des effectifs moyens des classes du secondaire à 23 pour 1 par rapport au 28 pour 1 proposé par le gouvernement, le rétablissement des mesures de soutien pour le financement des élèves, une allocation de dépenses en soins de santé pour les travailleuses et travailleurs en éducation et l’exclusion de l’apprentissage en ligne. 

Puis est arrivée la COVID-19, qui a vu les élèves et nos Membres passer deux ans (et peut-être plus) à enseigner et à apprendre dans des situations incroyablement difficiles. 

Nous ne savons pas quels nouveaux défis la COVID nous posera, mais nous savons que les travailleuses et travailleurs en éducation, les enseignantes et enseignants et les élèves ont besoin de stabilité et d’un engagement sincère à donner au système d’éducation publique les ressources nécessaires pour rattraper le temps perdu et revenir plus fort. Malheureusement, nous savons aussi que le gouvernement Ford utilisera tous les outils à sa disposition pour faire des coupures et ouvrir la porte à la privatisation. Nous pouvons également être certains que le gouvernement Ford a tiré des leçons de la dernière ronde de négociations et qu’il est impatient de rendre la monnaie de sa pièce aux syndicats de l’éducation, et à OSSTF/FEESO en particulier. 

C’est dans ce contexte qu’OSSTF/FEESO a récemment annoncé son intention de négocier comme première étape de la négociation d’une nouvelle entente centrale pour les travailleuses et travailleurs en éducation et le personnel enseignant du système public de la maternelle à la 12 année. Et si nous avons appris quelque chose de la dernière ronde de négociations, c’est qu’en négociation et en politique, le contexte est primordial. 

Après la dernière ronde de négociations, OSSTF/FEESO a procédé à un examen approfondi de la stratégie globale du syndicat et des tactiques et actions spécifiques utilisées pour soutenir cette stratégie. Cet examen s’est appuyé sur des données de sondages, des analyses des médias, des rapports de consultants, des entrevues semi-structurées et des groupes de discussion. Cet article présente certaines des conclusions de cet examen. La section de conclusion, ci-dessous, présente nos quatre principales constatations de l’examen, mais il y a également deux thèmes que le lecteur devrait garder à l’esprit. 

Premièrement, nous sommes dans un contexte politique et de négociation très différent de celui de 2019-2020. Toutes les choses que nous avons faites il y a trois ans ne fonctionneraient pas si nous les réessayions maintenant. Certaines le seront, mais pas toutes. Nous devons accorder une attention particulière à la relation entre le contexte et la stratégie et cultiver une capacité collective à être flexible, adaptable et créative.

Deuxièmement, nous devons nous rappeler la leçon la plus importante de 2019-2020. Même les gouvernements qui semblent avoir toutes les cartes en main peuvent être amenés à faire marche arrière. En 2019, le gouvernement Ford semblait inarrêtable, mais la stratégie originale, cohérente et bien exécutée d’OSSTF/FEESO a permis de repousser les pires attaques du gouvernement. Nous pouvons le faire à nouveau. Ce sera probablement une lutte longue et difficile, mais ce sera aussi une lutte qui peut être gagnée.

Figure 1.

UNE NOUVELLE STRATÉGIE : LA NÉGOCIATION POLITIQUE

Le plus grand écart d’OSSTF/FEESO par rapport aux pratiques antérieures est venu de la décision de poursuivre ce que nous avons appelé la négociation politique. Dans le passé, OSSTF/FEESO, comme d’autres syndicats du secteur de l’éducation et du secteur public en Ontario, a gardé la stratégie de négociation presque entièrement séparée de nos activités médiatiques et de communication. La négociation traditionnelle signifiait s’engager de bonne foi dans des concessions mutuelles à la table de négociation. Les négociatrices et négociateurs expérimentés font de bons gains en révélant stratégiquement les priorités et en présentant des arguments convaincants. Ils étaient particulièrement susceptibles de réussir lorsqu’ils avaient le soutien d’un vote de grève fort et de membres engagés et mobilisés. Les communications relatives à la négociation prenaient principalement la forme de mises à jour destinées aux Membres et d’interventions occasionnelles dans les médias.

LA NÉGOCIATION POLITIQUE A BOULEVERSÉ CETTE APPROCHE.

Comme le gouvernement Ford a clairement indiqué, avant même le début des négociations, qu’il allait procéder à des coupures massives, les concessions traditionnelles de la négociation n’étaient plus possibles. Aucune stratégie à la table de négociation et aucun vote de grève ne pouvait créer le levier nécessaire pour éviter les concessions. Alors que les stratégies de négociation précédentes traitaient l’opinion publique comme une réflexion après coup, dans cette ronde, OSSTF/FEESO a placé l’opinion publique au centre de sa stratégie. La Coalition ontarienne de l’autisme avait déjà démontré que le gouvernement Ford pouvait faire marche arrière lorsqu’il était soumis à une pression publique suffisante. OSSTF/FEESO devait faire la même chose.

La négociation politique s’est donc appuyée sur une solide campagne de communication pour faire évoluer l’opinion publique et faire pression sur le gouvernement. La campagne a ciblé les groupes évidents : les élèves et les familles ayant des enfants dans le système public de la maternelle à la 12e année, mais elle est allée plus loin en montrant aux 75 pour cent d’Ontariennes et d’Ontariens qui n’ont pas d’enfants dans le système de la maternelle à la 12 année que les classes plus grandes et l’apprentissage en ligne obligatoire auraient un impact négatif sur eux aussi. La stratégie a positionné OSSTF/FEESO comme la voix faisant autorité en matière d’éducation publique en Ontario. Elle a montré aux Ontariennes et Ontariens que nous étions raisonnables, responsables et guidés par des données probantes concernant l’effectif des classes et le financement de l’éducation.

Notre examen de la ronde de négociations de 2019-2020 a montré que la stratégie de communication a remporté de grands succès. Les données de sondage recueillies entre décembre 2019 et mars 2020 ont montré que le public considérait généralement OSSTF/FEESO comme plus digne de confiance que le gouvernement.

Figure 2

Les journalistes en sont aussi venus à se fier à OSSTF/FEESO en tant que voix faisant autorité sur les enjeux en matière d’éducation pendant les négociations. Nous avons examiné tous les articles liés aux négociations collectives dans le Toronto Star, le Ottawa Sun et le Thunder Bay Newswatch pour voir dans quelle mesure le message d’OSSTF/FEESO était diffusé. Nous avons constaté qu’OSSTF/FEESO dépassait de loin les autres affiliés de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (FEO) quant à la fréquence à laquelle nous étions cités dans les articles liés aux négociations. Comme le montre la figure 3, près de la moitié des citations syndicales dans les articles sur les négociations provenaient d’OSSTF/FEESO.

Figure 3. Affiliés à la FEO : Citations totales 

Affiliés à la FEO : Citations totales

Nombre

% Total

OSSTF/FEESO

178

45.5%

ETFO

99

25.3%

OECTA

83

21.2%

AEFO

31

7.9%

Une stratégie de communication ciblée a permis de maintenir l’attention des médias sur des enjeux qui étaient plus favorables à OSSTF/FEESO qu’au gouvernement. Stephen Lecce, ministre de l’Éducation, a tenté à maintes reprises d’attirer l’attention sur les enjeux de rémunération, notamment en accusant faussement OSSTF/FEESO de demander sept milliards de dollars en augmentations salariales. En fait, au cours des huit rencontres avec les médias que le ministre a tenues à Queen’s Park pendant les négociations, il a accusé les syndicats de se concentrer sur la rémunération 52 fois et n’a mentionné les effectifs de classes que 31 fois. C’est ainsi qu’il a tenté d’encadrer le débat. Les sondages montrent à nouveau pourquoi le ministre préfère parler de la rémunération plutôt que des effectifs de classes: le public a toujours considéré OSSTF/FEESO comme plus raisonnable sur cette question et sur d’autres.

Dans l’ensemble, il est largement établi que la négociation politique a réussi à maintenir l’opinion publique du côté des objectifs de négociation d’OSSTF/FEESO. Cela a créé une pression sur le gouvernement et sur le ministre. Cela les a tenus à l’écart et à l’écart du message. Des messages cohérents et fondés sur des données probantes, communiqués par le biais d’un large éventail de moyens, ont aidé à créer cette pression, mais même la meilleure stratégie de communication n’aurait pas été suffisante pour repousser les pires propositions du gouvernement. La véritable force est venue de nos Membres. La négociation politique n’était pas seulement une question de campagne médiatique ou de messages astucieux. Les Membres d’OSSTF/FEESO ont participé à plus de deux douzaines de tactiques distinctes pour aider à faire avancer la stratégie de négociation politique. 

DES TACTIQUES NOVATRICES

L’examen par OSSTF/FEESO de la négociation de 2019-2020 a révélé que parmi les 28 tactiques que nous avons utilisées au cours de la campagne, 14 étaient soit des actions qu’OSSTF/FEESO avait créées elle-même, soit adoptées à partir d’autres campagnes réussies, soit déjà essayées auparavant, mais de manière plus restreinte et moins ciblée. La plus évidente de ces tactiques était la négociation transparente (affichage de toutes les propositions et contre-propositions sur un site Web public; pour plus de détails, consultez http://education-forum.ca/2020/11/26/transparent-bargaining/), mais les membres ont également été initiés au piquetage d’information, aux grèves tournantes, à la vérification des faits sur les médias sociaux, à la commande d’une étude au Conference Board du Canada et à la publicité sur les médias sociaux qui ciblait intentionnellement les électeurs conservateurs.

Dans le cadre de notre examen, le personnel d’OSSTF/FEESO a interviewé des dirigeants locaux, le personnel du Bureau provincial et des membres de l’Exécutif provincial. Au cours des entrevues, il y a eu un accord général sur le fait que les tactiques utilisées étaient relativement efficaces et relativement bien intégrées. En d’autres termes, non seulement les tactiques ont eu un impact positif en elles-mêmes, mais elles ont également fonctionné ensemble pour avoir un impact encore plus important. Les tactiques considérées comme les plus efficaces comprennent notre présence dans les médias sociaux, les rassemblements à Queen’s Park et ailleurs, les piquets d’information, notre utilisation des sondages et des groupes de discussion, la recherche sur les principaux enjeux et la négociation transparente. Les entrevues ont également montré que les participants voyaient des liens entre ces tactiques et que nous gagnons du terrain lorsque nous utilisons des tactiques efficaces et intégrées pour soutenir une stratégie globale

Figure 4

 

CONCLUSION :
PRINCIPALES CONSTATATIONS

Grâce aux entretiens, à l’analyse des médias, aux sondages et à d’autres données, nous sommes en mesure de tirer quatre grandes conclusions sur le dernier cycle de négociations. Nous n’avons pas assez d’espace pour les examiner en détail ici, mais nous espérons qu’elles pourront donner matière à réflexion aux Membres et aux alliés à l’aube de ce qui sera probablement un autre cycle de négociations très difficile. 

Les négociations politiques ont été largement couronnées de succès et doivent se poursuivre

Les autres syndicats du secteur de l’éducation ont tous mené des campagnes comparables à notre propre stratégie de négociation politique. Les affiliés de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (FEO) et l’organisme du secteur de l’éducation du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), le Conseil des syndicats des conseils scolaires de l’Ontario (CSCSO), ont tous utilisé une combinaison de publicité, de médias sociaux, de vérification des faits et de médias traditionnels pour modifier l’opinion publique et faire pression sur le gouvernement. Non seulement la négociation politique doit se poursuivre, mais elle fonctionnera mieux si les syndicats du secteur de l’éducation et leurs alliés collaborent le plus possible afin de maintenir l’attention du public sur la protection du système d’éducation publique de l’Ontario.

La campagne fondée sur des données probantes a augmenté la crédibilité d’OSSTF/FEESO et sa prise de décision.

En plus des négociations politiques, la Fédération a également intégré un nouvel engagement envers la recherche et les données probantes dans tous les aspects de la campagne. Les données recueillies pour notre examen des négociations montrent que le fait de positionner OSSTF/FEESO comme s’appuyant sur des preuves a fourni un soutien crucial aux négociations politiques. Le fait de s’appuyer sur des preuves a augmenté la crédibilité de la Fédération, a donné l’assurance aux dirigeants locaux et aux Membres que la stratégie fonctionnait, a contribué à faciliter les discussions entre les Membres et le grand public et a aidé le syndicat à déployer de façon appropriée une stratégie et des tactiques nouvelles. 

La nouveauté était un élément essentiel des succès de la campagne.

L’examen a permis de constater que l’utilisation par OSSTF/FEESO d’une stratégie et de tactiques nouvelles a rendu OSSTF/FEESO imprévisible et donc difficile à gérer pour le gouvernement. Notre volonté d’essayer de nouvelles choses a laissé le gouvernement lutter pour trouver un message cohérent qui résonnerait auprès du grand public. Il est important de se rappeler, cependant, que le gouvernement a tiré les leçons de nos succès de la dernière fois et qu’il travaille probablement sur ses propres moyens de nous surpasser. Nous devrons continuer à chercher de nouvelles occasions et de nouvelles façons de nous assurer que le public est de la partie dans notre lutte pour protéger l’éducation publique

L’efficacité d’une tactique dépend du contexte. Certaines tactiques peuvent et doivent être utilisées lors du prochain cycle de négociations, mais pas toutes.

Une tactique, même si elle est vraiment bonne, peut ne réussir que dans les bonnes circonstances. Par exemple, la tactique la plus innovante utilisée lors de ce cycle, la négociation transparente, était une bonne stratégie face à un gouvernement hostile, axée sur les réductions budgétaires. Ce n’est peut-être pas la bonne stratégie si le gouvernement s’en prend à des choses dont le public ne se soucie pas ou s’il pense que nos membres pensent  ne les méritent pas. Nous devons réfléchir soigneusement à ce qui a fonctionné et pourquoi, si cela fonctionnera à nouveau et, plus important encore, si nous pouvons proposer quelque chose de nouveau qui fonctionnera encore mieux cette fois-ci.

About Chris Samuel
Chris Samuel est l'analyste/chercheur en politiques au Bureau provincial d’OSSTF/FEESO.

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