Mise à jour du Projet de loi 307

Bill 307 queens park

Contestation du contrôle politique et des règles électorales par les syndicats de l’enseignement de l’Ontario education unions.

La capacité des Ontariens à s’informer sur les enjeux importants qui touchent leur vie quotidienne a subi un coup dur juste avant les vacances. En effet, la Cour supérieure de l’Ontario a rejeté une contestation de la tentative du gouvernement Ford de se protéger de l’obligation de rendre des comptes en limitant sévèrement la capacité de ses citoyens à publier des critiques à l’égard du gouvernement Ford ou de ses politiques.

La contestation, présentée par la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEEO/ETFO), l’Association des enseignantes et des enseignants catholiques anglophones de l’Ontario (OECTA) et la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario (OSSTF/FEESO), visait le Projet de loi 307, qui modifie des articles de la Loi sur le financement des élections afin de restreindre sévèrement la publicité politique des tiers pendant plus d’un an avant une élection.
Les modifications imposent un plafond de dépenses d’un peu plus de 600 000 $
à chaque parti apolitique pour l’année précédant la période électorale, bien plus longue que dans toute autre juridiction canadienne, et d’un peu plus de 100 000 $ pour la période électorale elle-même.

D’autres changements empêchent les groupes intéressés de partager ou de coordonner leurs ressources pour contourner ces limites, imposent des exigences de déclaration ridiculement fréquentes et prévoient des sanctions sévères en cas de violation de ces restrictions. Ils élargissent également la définition de la publicité politique, brouillant la distinction entre les communications axées sur une question donnée et celles qui visent explicitement un parti ou un candidat.

Ces modifications étouffent gravement le débat et la discussion sur les questions d’importance publique. En fait, la nouvelle loi a déjà été utilisée par des membres du cabinet de Doug Ford pour tenter de faire taire les voix dissidentes, comme lorsqu’une plainte a été déposée auprès d’Élections Ontario par Steve Clark, ministre des Affaires municipales et du Logement, qui s’opposait à la présence dans sa circonscription de pancartes contre un projet de nouvelle prison à sécurité maximale dans une petite communauté de l’Est de l’Ontario.

Les lecteurs soucieux de la constitution pensent sans doute que museler un tel discours viole la garantie de la liberté d’expression. Et ils auraient raison. Moins de six mois auparavant, les mêmes restrictions ont été jugées inconstitutionnelles et ont été annulées par la Cour supérieure dans une affaire portée par les mêmes syndicats de l’enseignement.

Cependant, apparemment convaincu que sa protection et celle de son gouvernement contre les critiques valaient la peine de piétiner les droits constitutionnels des Ontariennes et Ontariens, deux jours après la décision de la Cour, Doug Ford a rappelé l’Assemblée législative après la pause estivale dans le seul but de rétablir ces restrictions, en utilisant cette fois la rare et controversée disposition de dérogation, permettant l’adoption de la loi malgré la décision antérieure de la Cour.

La deuxième contestation judiciaire portait sur le droit de vote énoncé à l’article 3 de la Charte, auquel la disposition de dérogation ne s’applique pas. Malheureusement, à ce moment de la demande, la Cour a permis à la législation inconstitutionnelle d’être maintenue. Bien que cette décision fasse l’objet d’un appel, les nouvelles lois resteront en vigueur pour ce cycle électoral.
Il ne fait aucun doute que ces nouvelles règles ont été créées pour faire taire des voix comme celles de Working Families, une organisation regroupant divers groupes de travailleuses et travailleurs, dont les messages concernant les politiques problématiques favorisées par les précédents dirigeants Progressistes-Conservateurs sont considérés par ces derniers comme ayant contribué à leur manque de succès électoral.

La conséquence de ces règles régissant la participation effective au discours politique pendant une période aussi longue est que, pour l’essentiel, les publicités politiques que les électrices et électeurs verront à la télévision et sur d’autres supports très efficaces, mais coûteux, seront celles des partis politiques eux-mêmes. Bien entendu, tous les partis politiques sont guidés par leurs propres intérêts et limités par leurs propres comptes bancaires, ce qui peut faire en sorte que de nombreuses questions ne reçoivent que peu ou pas d’exposition publique efficace.

D’autres modifications incluses dans le Projet de loi 307 augmentent directement la capacité des partis politiques à financer leurs propres campagnes de publicité politique, des changements qui profiteront aux Progressistes-Conservateurs plus qu’à tout autre parti politique. En effet, si les dépenses des tiers ont été limitées, le montant que les particuliers peuvent verser dans les coffres des partispolitiques, des associations de circonscription ou des candidats a presque triplé, passant à 3 300 $ dans chaque cas. Ensemble, les personnes ayant les moyens de le faire peuvent contribuer à hauteur de 9 900 dollars par an, le tout soumis à un crédit d’impôt, ce qui permet aux riches donateurs d’acquérir une plus grande influence sur les partis et les politiciens. Cette situation contraste fortement avec les règles en vigueur chez nos voisins du Québec voisin, où les dons et les prêts sont limités à 100 $ par an.

Ce ne sont pas les seuls changements récents apportés aux règles de publicité politique qui profitent au gouvernement en place. En 2015, les modifications apportées à la Loi de 2004 sur la publicité gouvernementale, qui définit la façon dont un gouvernement est autorisé à utiliser les fonds publics pour communiquer sur ses politiques et ses actions, ont considérablement réduit la capacité du vérificateur général à conclure qu’une publicité gouvernementale était indûment partisane. Il est intéressant de noter que, malgré ces changements, le Bureau du vérificateur général a continué à identifier les publicités qui auraient été considérées comme partisanes en vertu des anciennes règles. Selon ces définitions, le vérificateur général a constaté qu’au cours des deux derniers exercices financiers, le gouvernement Ford a dépensé plus de 9,5 millions de dollars en publicités partisanes, y compris des publicités qui faisaient partie d’une campagne sur le système d’éducation publique de l’Ontario. Ces publicités affirmaient que les changements apportés par le gouvernement amélioraient le parcours éducatif des enfants, une opinion que le vérificateur général a jugé non fondée, concluant que l’objectif premier des publicités était de favoriser une impression positive du gouvernement Ford.

Les restrictions sur la mesure dans laquelle les partis non politiques peuvent participer au discours politique sont regrettables et appauvrissent l’ampleur et la qualité de la conversation publique sur les enjeux importants. Bien que cela puisse servir les intérêts des gouvernements en place, par exemple, pour éviter les critiques acerbes sur une réponse bâclée à une pandémie pendant deux ans, ou sur un plan visant à dépenser des milliards de dollars de l’argent des contribuables pour paver des zones humides afin de construire une autoroute au bénéfice principal de ses riches donateurs promoteurs immobiliers, tout en privant l’éducation publique des investissements nécessaires et en réduisant la capacité de gain des classes d’emploi à prédominance féminine, ou de canaliser encore plus de milliards de dollars des contribuables vers un secteur économique dans lequel un certain ancien leader progressiste-conservateur a un intérêt financier prononcé, ils ne sont certainement pas dans l’intérêt fondamental des électeurs de l’Ontario.

Vaino Poysa est secrétaire général adjoint à la Division des services de protection d’OSSTF/FEESO.

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