Lieutenant-colonel William Michell

Premier président d’OSSTF—Héros de la première guerre mondiale

Abstract Image of old photographs of Muir, Clarke and Michell beside Oddfellows Temple

Le 100e anniversaire de la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario est l’occasion idéale de rendre hommage à ces hommes et ces femmes oubliés qui ont mis en jeu leur carrière professionnelle en créant la Fédération, dans les mois qui ont suivi la fin de la Première Guerre mondiale.

Presque tombé dans l’oubli, le tout premier président de la Fédération, William C. (Billy) Michell, qui a quitté son bureau de directeur au Riverdale Collegiate Institute de Toronto pour se joindre aux efforts de guerre contre l’Allemagne vers la fin de 1914. Il s’est rendu outremer en compagnie du Corps expéditionnaire canadien, au rang de major général, en mai 1915. Une fois arrivé en Angleterre, William Michell a été déçu de constater qu’il allait y rester en tant qu’officier du transport. Il a donc exercé de fortes pressions pour faire partie de la ligne de front en France et a enfin atteint son but en 1917, en acceptant une rétrogradation de major général à capitaine afin d’être transféré dans les tranchées.

Le jeudi 8 août 1918, William Michell s’est vu décerner la très convoitée Croix militaire, en reconnaissance de sa bravoure exceptionnelle lors de la bataille d’Amiens, dans le nord de la France. Le récit des événements qui ont mené à cet honneur mérite d’être connu des membres d’OSSTF/FEESO qui ne connaissent pas William C. (Billy) Michell. Il s’agit d’une fenêtre sur cet homme qui, à son retour de la Première Guerre mondiale, a contribué à fonder la Fédération.

Aux petites heures du 8 août, le Capitaine Michell du régiment Queen’s Own Rifles grelottait au fond d’une tranchée froide et humide alors qu’il attendait de diriger sa compagnie contre les tranchées allemandes se trouvant à proximité. Il devait sans aucun doute se demander s’il allait voir de son vivant le lever du jour.

À exactement 4 h 20, le bruit déchirant de l’artillerie éclate. Des milliers de troupes de choc des forces canadiennes et australiennes quittent leur tranchée pour talonner un barrage assourdissant et incessant d’artillerie, la quatrième armée britannique avançant immédiatement derrière eux. William Michell reconnaît soudainement un bruit saccadé venant de la gauche de sa compagnie en mouvement. Un poste de mitrailleuses allemand, dissimulé dans un épais brouillard, tire sans pitié sur les hommes devant lui. Sans la moindre hésitation, William Michell ordonne à son personnel du Quartier général de le suivre à la gauche dans une charge suicidaire contre les mitrailleuses cachées. Les coups de feu proviennent de partout. La réaction éclair de William Michell surprend les Allemands et les mitrailleuses cessent, sauvant la vie de vingtaines, voire de centaines de jeunes soldats canadiens. William Michell, étant lui-même une cible prisée à l’avant de la charge, est « grièvement blessé » dans les premières minutes de ce qui allait devenir la pire défaite des Allemands jusqu’à cette date. Les actions de William Michell en cette journée lui mériteront la très convoitée Croix militaire, en reconnaissance de « bravoure et de galanterie ayant impressionné tous les rangs ». Quelques mois plus tard au terme de la guerre, William Michell est accueilli de nouveau dans son bureau de directeur à Toronto, cette fois en tant que héros de guerre et sous les acclamations de la presse, des politiciens et d’une ville reconnaissante.

De là, transportons-nous au 30 décembre 1919. Soixante-deux enseignants du secondaire de partout dans la province se réunissent en secret au Oddfellows’ Temple Hall, à Toronto, dans le but de créer une nouvelle association professionnelle nommée Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario. L’homme, choisi à l’unanimité au poste de premier président provincial, est William Charles (Billy) Michell du Riverdale Collegiate Institute.

De nos jours, le premier président d’OSSTF a pratiquement été oublié par la Fédération qu’il a aidé à fonder il y a près d’un siècle. On a aussi tendance à oublier le caractère secret entourant la réunion fondatrice d’OSSTF à Toronto. Les délégués s’y sont présentés en groupes de trois ou quatre afin de dissimuler le fait qu’un groupe important se réunissait. La révolution russe venait de se produire deux ans auparavant et les politiciens et éditorialistes ne tardaient pas à jeter la responsabilité des conflits de travail sur les sympathisants communistes/bolcheviques. La réunion fondatrice d’OSSTF a eu lieu sans le moindre mot à ce sujet dans les journaux.

Les enseignants des écoles secondaires publiques de l’Ontario avaient grandement besoin d’une voix forte qui parlerait en leur nom. En 1914, leur salaire moyen annuel se chiffrait à
1 322 $. Cinq ans plus tard, le salaire moyen avait à peine augmenté à 1 709 $ (une augmentation annuelle de moins de 80 $!) Pendant ce temps, l’indice des prix à la consommation avait connu une augmentation en flèche de 63,2 pour cent, laissant le salaire des enseignants au seuil de la pauvreté. Les délégués à la réunion de décembre 1919 cherchaient un héros qui allait leur venir en secours. William Michell s’est avéré être ce héros, ce directeur d’école devenu héros de guerre.

Une autre personne qui s’est démarquée lors de la réunion fondatrice d’OSSTF est Walter Clarke, un enseignant de Hamilton. Plus d’un an auparavant, il enseignait le latin pour la troisième année au Lindsay Collegiate Institute. Le ministère de l’Éducation avait permis aux enseignants de latin de donner leurs propres examens finaux de 13e année ce printemps, donnant aux élèves ayant une moyenne de 60 pour cent ou plus l’option de ne pas passer les examens du Ministère, beaucoup plus redoutés. Le fils du président du conseil scolaire de Lindsay avait coulé l’examen de latin de Walter Clarke et son père avait ordonné à Walter de changer sa note à 60 pour cent, ce qu’il a refusé de faire. Le président furieux avait alors promis de
« se venger ».

Walter Clarke est rapidement passé au système scolaire de Hamilton où il a commencé à faire connaître l’idée d’une fédération provinciale forte qui protégerait les enseignants contre de telles injustices. Il a passé d’innombrables soirées et fins de semaine à la rédaction d’un document qui argumentait en faveur d’une meilleure sécurité pour le personnel enseignant, y compris de meilleurs salaires. Le rédacteur en chef du Hamilton Herald avait promis de publier son document gratuitement si Walter Clarke le lisait quelque part comme discours, en faisant ainsi une nouvelle légitime. Walter a lu son document devant les membres lors d’une réunion du personnel de Hamilton et le Herald l’a publié le 6 novembre. Walter Clarke et ses supporters ont acheté 1 000 copies du numéro et ont envoyé l’article par la poste à chaque école secondaire publique de l’Ontario, accompagné d’une lettre de Walter Clarke leur demandant d’envoyer un représentant à une réunion à Toronto pendant le congé de Noël. Le but était de discuter de la création d’un syndicat des enseignants des écoles secondaires. Sa demande a engendré une réponse immédiate et positive.

Pendant ce temps, l’idée de fonder un nouveau groupe fort d’enseignants gagnait simultanément du terrain à Toronto. Une réunion secrète a eu lieu au YMCA Central de Toronto, le 12 novembre, dans le but de créer une Fédération des enseignants des écoles secondaires de Toronto. Le major général William Michell est élu à la présidence le 19 novembre. Peu de temps après, Walter Clarke s’est rendu à Toronto pour faire part à William Michell des réponses largement favorables qu’il avait reçues à sa lettre envoyée à chaque école secondaire de l’Ontario. William et sa fédération de Toronto se sont dépêchés de réserver le OddFellows’ Temple Hall pour le 30 décembre, où William Michell a été élu à l’unanimité à la présidence d’OSSTF. Il a été davantage honoré le printemps suivant alors qu’il a été promu au rang de lieutenant-colonel, à titre de commandant du 2e Bataillon, régiment Queen’s Own Rifles. Un an plus tard, William Michell indiquait lors de la deuxième réunion provinciale d’OSSTF à Toronto que près de 90 pour cent des enseignants dans les écoles secondaires et supérieures étaient devenus des membres payant des cotisations (les frais annuels étaient alors de 3 $). La grande nouvelle, toutefois, c’est que la réunion de 1920 avait approuvé un audacieux barème de salaire minimum pour ces membres. Le salaire minimum pour les enseignants des écoles secondaires ou supérieures dans les districts ruraux, les villages et les petites villes était de 1 700 $. Le salaire minimum dans une école secondaire ou supérieure en milieu urbain était de 2 000 $. Et le salaire minimum pour un enseignant dans une école complémentaire était de 1 300 $. Le barème a été envoyé à tous les conseils scolaires, le 25 février, avec la signature de William Michell, président d’OSSTF. Inévitablement, certains conseillers scolaires se sont plaints aux journalistes, mais le 2 septembre 1921, le conseil des écoles secondaires de Bracebridge a publié une annonce indiquant qu’à compter de cette date, ses enseignants seraient rémunérés conformément au barème salarial d’OSSTF.

Grâce à une déléguée remarquable d’Ottawa, Jesse Muir, la réunion d’OSSTF de 1920 est passée à l’histoire avec la toute première mention de la Fédération dans un document imprimé. Le lendemain de la réunion, le Globe publiait un court article à la page 4, sous le titre suivant en caractères gras : EQUAL PAY FOR EQUAL WORK, RIGHT OF WOMEN IN SCHOOLS (RÉMUNÉRATION ÉGALE POUR UN TRAVAIL ÉGAL, LE DROIT DES FEMMES DANS LES ÉCOLES). Les délégués avaient approuvé une résolution de Jesse Muir, recommandant que « les principes du salaire égal pour un travail égal soient adoptés dans les politiques générales de la Fédération et que l’adoption de la présente politique soit immédiatement rendue publique dans les journaux ». Les délégués se sont montrés tout à fait d’accord avec la première partie de la proposition, mais certains craignaient l’idée d’aller à la presse. Jesse Muir, une des cinq enseignantes déléguées officielles, n’a pas abandonné la partie pour autant et a aidé à rédiger le premier communiqué de presse de la Fédération.

Tous ceux qui connaissaient Jesse Muir ne se sont pas étonnés de sa détermination. Elle avait fait des vagues en avril 1920 en démissionnant de son poste à la direction du Département des langues modernes au Lisgar C.I., après que le Ottawa Collegiate Institute Board ait refusé la demande d’une délégation d’enseignantes prônant un salaire égal à celui des enseignants détenant des qualifications professionnelles similaires. Les conseillers scolaires savaient que l’Université d’Ottawa convoitait Jesse Muir depuis de nombreuses années pour qu’elle devienne leur doyenne des femmes et bon nombre lui ont demandé à maintes reprises de revenir sur sa décision. Elle a tenu bon. Le 7 mai, le conseil a tenu une réunion extraordinaire afin de changer son vote sur le salaire égal pour un travail égal pour les enseignantes détenant les mêmes qualifications professionnelles. Jesse Muir a alors gagné sa cause.

Jesse Muir a été élue troisième vice-présidente d’OSSTF à la réunion de 1920 à Toronto et a siégé pendant au moins deux ans à l’exécutif provincial. Elle a partagé des plateformes partout en province en compagnie du colonel Michell et de Walter Clarke. Elle a quitté ses fonctions à l’exécutif avant de devenir présidente, et s’est peu engagée dans les activités de la Fédération par la suite. Un collègue à Lisgar expliquait des années plus tard que Jesse Muir était d’avis qu’elle avait prouvé son point et qu’elle préférait diriger ses énergies ailleurs. De son côté, William Michell a œuvré à titre de président fondateur d’OSSTF pendant deux ans et est ensuite devenu président national de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants pour un mandat d’un an, en 1924. Il a par la suite été promu à Toronto au titre de directeur-surveillant pour toutes les écoles secondaires de Toronto. Peu de membres d’OSSTF/FEESO savent aujourd’hui que William Michell est honoré dans les archives du régiment Queen’s Own Rifles, à Toronto. Une boîte-cadre contenant les médailles du colonel Michell, ainsi que la citation pour sa Croix militaire, se trouvent dans les archives du régiment, à Casa Loma.

Walter Clarke, qui a enseigné le latin à la Delta Secondary School à Hamilton pendant le reste de sa carrière, a œuvré à titre de secrétaire général d’OSSTF à temps partiel pendant deux ans (1920 et 1921) et a été président provincial en 1924. Il est devenu rédacteur en chef fondateur de la revue Bulletin en 1921, demeurant dans ses fonctions pendant cinq ans. Walter Clarke a pris sa retraite à Gravenhurst et a consacré les dernières années de sa vie à l’écriture à la main de l’historique des premières années d’OSSTF avant son décès en 1971, à l’âge de 81 ans. Le manuscrit a été trouvé sous son lit par la propriétaire de son logis et a été gardé en lieu sûr jusqu’à ce que l’auteur du présent article se rende à Gravenhurst pour le récupérer au nom de la Fédération, en 1978. L’historique de Walter Clarke est devenu un livret de la Fédération largement circulé au cours du Jubilé de diamant d’OSSTF, en 1979.

Cet historique des années fondatrices de la Fédération a été rédigé dans l’espoir qu’il puisse en encourager d’autres à écrire des récits semblables au sujet des pionniers oubliés d’OSSTF, dans leur coin de province. Il est tout à fait opportun, par conséquent, que nous terminions avec les mots de Walter Clarke, nous expliquant comment les membres d’OSSTF de partout dans la province ont soutenu leurs collègues à Fort William au cours de la première importante confrontation entre un conseil scolaire local et la toute nouvelle Fédération.

Vers la fin de 1921, le personnel du Fort William Collegiate Institute a été le premier de la province à menacer de démissionner en masse. Le comité sur les salaires du conseil scolaire local avait offert de façon sélective des augmentations de 200 $ à cinq enseignants et de 700 $ au directeur d’école, tandis que tous les autres salaires avaient fait l’objet d’un gel. Les conseillers scolaires n’anticipaient pas de difficulté à remplacer tout membre du personnel qui allait démissionner. À leur surprise, le directeur E.E. Wood a annoncé qu’il préférait « subsister sur du pain et de l’eau plutôt que de trahir son personnel ». En même temps, le président d’OSSTF de l’époque, William Michell, a officiellement déclaré le soutien de tous les membres de la Fédération en Ontario envers leurs collègues à Fort William. Walter Clarke a décrit la confrontation dans tous ses détails dans la revue provinciale d’OSSTF, Bulletin, qui est plus tard devenue Education Forum.

Comme William Michell l’avait prédit, le conseil de Fort William n’a reçu aucune demande externe. Deux semaines avant que les démissions ne prennent effet, le conseil a voté en faveur d’un contrat négocié qui a rétabli l’harmonie complète. Le rédacteur en chef du Bulletin, Walter Clarke, était plus qu’heureux de ce moment historique. Les membres d’OSSTF, dit-il, ont prouvé qu’ils avaient « ce qu’il fallait ».

OSSTF/FEESO a toujours « ce qu’il faut » un siècle plus tard. Vous pourrez bientôt tout lire à ce sujet dans l’historique sur lequel une équipe d’anciens d’OSSTF travaille depuis des mois en préparation des célébrations du 100e anniversaire de la Fédération en 2019. Il est temps de se rappeler pourquoi OSSTF/FEESO est reconnu comme une des organisations de travailleurs de l’éducation les plus respectées au monde. Joyeux centenaire à tous!

About Jack Hutton
Jack Hutton est un ancien directeur des communications au Bureau provincial d’OSSTF/FEESO.

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