L’histoire de Vincent

Appuyer les jeunes trans dans nos écoles

Illustration of translucent pastel coloured bubbles

Dans le numéro de l’automne 2017 d’Education Forum, j’ai rédigé une critique littéraire intitulée « The Transgender Teen: A Handbook for Parents and Professionals Supporting Transgender and Non-Binary Teens ». Après la parution de cette critique, j’avais le sentiment qu’il restait bien plus à dire sur l’importance de soutenir les jeunes transgenres et non binaires dans nos écoles et lieux de travail. Pour mieux comprendre le sujet, j’ai communiqué avec Vincent Bolt, directeur de l’éducation à TG Innerselves, un programme de services sociaux destinés aux transgenres et situé à Sudbury (Ontario).

Vincent a un sourire qui pourrait illuminer toute une pièce. Je me souviens de l’époque où ce n’était pas le cas.

La première fois que j’ai rencontré Vincent, il était en 9e année à l’école où j’enseignais. En face de ma classe, j’ai remarqué deux filles assises dans le couloir. L’une d’elles pleurait et l’autre la réconfortait. Je me suis approchée d’elles, leur ai demandé ce que je pouvais faire pour les aider et je les ai conduites au bureau du conseiller en orientation pour m’assurer qu’elles reçoivent du soutien. Je ne connaissais ni l’une ni l’autre et je ne leur ai jamais enseigné pendant qu’elles ont fréquenté cette école.

C’était environ deux ans plus tard que j’ai entendu parler de la jeune personne que j’avais vu pleurer dans le couloir. Une de mes collègues, Mme B., s’est levée lors d’une réunion du personnel pour nous dire que l’un de nos élèves l’avait abordée pour lui demander de l’aide alors qu’elle faisait la transition vers une nouvelle identité. Mme B. a d’abord expliqué que l’élève que nous avions connu avec un prénom féminin préférait désormais se faire appeler Vincent et avec des pronoms masculins, parce qu’il s’identifiait à présent comme étant transgenre. Elle nous a avisés que Vincent n’était pas à l’aise d’utiliser les toilettes multiples traditionnelles destinées aux élèves de notre établissement et qu’il avait demandé d’utiliser plutôt une toilette privée. À cette époque, au milieu des années 2000, les seules toilettes privées dans notre bâtiment étaient celles du personnel et il fallait une clé pour y accéder. Notre collègue avait explicitement indiqué qu’elle ne cherchait pas à avoir notre aval, mais qu’elle nous informait tout simplement que si nous voyions Vincent utiliser les toilettes du personnel, nous ne devrions pas traiter ceci comme quelque chose sortant de l’ordinaire.

Cinq ou six ans plus tard, j’ai assisté à une activité à Sudbury avec des élèves qui faisaient partie d’alliances gai/hétéro locales. Une séance impliquait une table ronde sur les enjeux relatifs aux transgenres et Vincent était l’un des participants. Ne l’ayant pas vu depuis l’obtention de son diplôme, j’ai été d’abord et surtout surprise par son sourire radieux et son aura positive. Je me rappelle l’écouter durant la table ronde et remarquer combien il était confiant, sûr de lui et à quel point il avait l’air heureux. Je me rappelle avoir pensé que je ne l’avais jamais, je dis bien jamais, vu sourire pendant les années où il étudiait dans mon école.

Lorsque Vincent et moi nous sommes assis pour parler, je lui ai demandé de me parler de sa vie avant et pendant les années d’école secondaire. Il m’a dit qu’au début il était impatient de fréquenter l’école secondaire à la Sudbury Secondary, parce qu’il avait vécu une « expérience vraiment épouvantable » à la dernière école catholique à laquelle il allait.

« Quand je me suis déclarée comme étant bi, les enseignants et les élèves m’ont accueilli avec beaucoup d’hostilité », Vincent se souvenait.

« Puis j’étais très optimiste parce que j’avais enfin atteint ce moment où j’avais rejoint le système scolaire public, dans une école d’arts en plus, ayant bon espoir que les choses s’amélioreraient énormément. Mais en 9e année, je me suis rendu compte que j’étais encore malheureuse et que je n’étais vraiment pas bien dans ma peau. J’étais aux prises avec la dépression et avais de la difficulté à comprendre ce qui se produisait en moi. J’avais certes fait le bon choix du point de vue de l’école parce que j’adorais le programme dans lequel j’étais, celui de guitare et de plus je m’entendais bien avec la plupart de mes enseignants. Ce faisant, toutefois, je me trouvais dans ce super programme, dans cette école vraiment agréable où j’avais le droit d’être moi-même, mais je continuais d’être vraiment malheureuse. »

En milieu d’année, Vincent a commencé à comprendre ce qui le rendait triste. « J’ai pris conscience que la raison pour laquelle j’étais si mal dans ma peau, la raison pour laquelle je ne supportais plus de me regarder dans un miroir était parce que j’étais réellement un homme et que de vivre en tant que femme ne convenait pas à la personne que j’étais. J’avais commencé la 9e année en appliquant beaucoup de maquillage et en portant des jupes. Au milieu de l’année, j’ai commencé à remplacer les vêtements dont je disposais. J’ai commencé à porter moins de maquillage et j’ai rasé une bonne partie de mes cheveux. »

Vincent a mis du temps à remplacer totalement sa garde-robe, car il n’avait pas d’emploi et il ne pouvait en parler à ses parents. Il a commencé par s’acheter des pantalons et des vêtements dans les rayons pour hommes chaque fois qu’il recevait de l’argent soit à Noël ou à Pâques.

Le jour de son anniversaire cette année-là, Vincent, sa petite amie Meghan et un autre ami sont allés au parc pour prendre des photos d’eux-mêmes.

En 2014, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a publié la Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle. L’article 6.3 de la politique stipule : « Les principes internationaux de droits de la personne indiquent clairement que chaque personne a le droit de définir sa propre identité sexuelle. L’auto-identification de son identité sexuelle est l’un des aspects les plus fondamentaux de l’autodétermination, de la dignité et de la liberté. »

« Il y a une photo où je me tiens sur le dessus des barres de suspension. Je porte la vieille veste en cuir de mon père, un pantalon, un t-shirt et une coupe mohawk. J’ai l’air tellement bien. C’est l’une de mes photos préférées parce que c’était la première que j’avais de moi où je ressemblais à un garçon. J’ai réalisé, sans le moindre doute, qui j’étais réellement au fond de moi. »

Bien que Vincent était engagé dans une relation lesbienne sérieuse dans les premières années du secondaire, il n’était pas satisfait. En 10e année, il s’est posé la question à savoir s’il pouvait se déclarer transgenre à l’école, mais était inquiet en raison des expériences homophobes qu’il avait vécues alors qu’il entretenait une relation lesbienne. Arrivé en 11e année, il avait pris la décision. « Je savais que Mme B. et Mme M. étaient des enseignantes avec qui je pouvais parler en toute confiance parce que nous allions souvent prendre notre repas du midi dans leurs classes. Nous ne nous sentions pas en sécurité à la cafétéria de l’école. S’il y avait un endroit dans l’école où on se ferait harceler, c’était bien là! »

L’été précédant sa 11e année, Vincent a décidé qu’il avait suffisamment de vêtements d’homme pour se présenter en tout temps comme étant un homme. C’est à ce moment qu’il a décidé de vivre exclusivement en tant qu’homme. Il utilisait déjà les toilettes des hommes quand il se retrouvait dans des endroits publics et espérait pouvoir à présent éviter de se servir des toilettes des femmes à l’école.

J’ai demandé à Vincent si à quelque moment que ce soit il avait craint pour sa sécurité alors qu’il utilisait les toilettes publiques des hommes. Il m’a répondu : « À chaque fois. »

« Chaque fois que j’allais aux toilettes, j’avais peur que quelque chose se produise. Des gens m’avaient fait des commentaires. On m’avait regardé de travers. Des gardiens de sécurité m’ont escorté à l’extérieur. Mais au fond de moi, c’était quelque chose que je me devais de faire. Je n’allais pas laisser une affiche sur une porte m’imposer où ma masculinité commence et où elle s’arrête. À cette époque, mon droit d’utiliser les toilettes des hommes n’était pas protégé par la loi. On ne me considérait pas comme un homme. Je m’habillais en homme, mais les gens présumaient que j’étais un garçon manqué. J’ai décidé que je continuerais à le faire de toute façon, ça m’était égal. »

J’ai demandé à Vincent de m’expliquer pourquoi c’est si important d’avoir la liberté de choisir les toilettes qu’on veut utiliser à l’école. « Je ne pouvais plus aller dans les toilettes des femmes. Je trouvais cela trop stressant et trop pénible. J’avais l’impression que chaque fois que j’allais aux toilettes, je faisais machine arrière, surtout que partout ailleurs j’utilisais les toilettes des hommes. »

La protection des droits de la personne des transgenres et non binaires a évolué depuis 1999, moment où la CODP a établi que le motif qu’est le sexe en vertu des droits de la personne pourrait être interprété comme comprenant également le droit des transgenres de jouir d’un traitement exempt de discrimination et de harcèlement.

Un an plus tard, la CODP a publié sa première Politique sur la discrimination et le harcèlement en raison de l’identité sexuelle.

En 2012, l’Ontario a ajouté les motifs de « l’identité sexuelle » et de « l’expression sexuelle » au Code des droits de la personne de l’Ontario.

Pour Vincent, la prochaine étape logique était de s’identifier comme transgenre à l’école. « J’avais besoin d’un endroit où les gens me connaissaient sous le nom de Vincent et s’adressaient à moi à l’aide de pronoms masculins. J’avais besoin de ce soutien. J’en avais besoin, parce que je ne le recevais nulle part ailleurs. Je vivais toujours chez mes parents, lesquels n’étaient pas au courant. »

Au cours du premier semestre de la 11e année, Vincent s’est armé de courage et s’est révélé à chacun de ses enseignants. Un jour, à la fin de la classe, il s’est approché de chacun d’eux et leur a dit : « Je me sers dorénavant du prénom Vincent et de pronoms masculins. »

Il a décrit la réaction d’une enseignante en particulier qui avait pour réputation d’être très stricte et qui donnait parfois l’impression d’être insensible. « Je l’aimais bien parce qu’elle était stricte. Les élèves ne bavardaient pas dans sa classe et ainsi je pouvais me concentrer. Je m’entendais bien avec elle, mais je n’étais pas certain de la manière dont elle réagirait à mon identification en tant que trans. Quand je lui ai dit, sa réponse a simplement été : « D’accord, Vincent » sans qu’elle ne change d’expression. C’est également la seule membre du personnel enseignant qui, dans les commentaires de mon bulletin de notes de milieu de semestre, s’est servie du nom que j’avais choisi. C’est drôle, car on ne sait jamais qui est la personne qui se rangera de ton côté. Mais par ce simple geste, elle a eu un impact considérable. »

Vincent m’a expliqué que sa conversation avec Mme B. avait été libératrice, parce que cela voulait dire qu’il n’avait pas à se faire de souci que quelqu’un le confronte en allant aux toilettes. Il s’était déchargé du fardeau d’avoir à expliquer constamment chaque fois qu’il commençait une nouvelle classe ou qu’il faisait la connaissance d’un nouvel enseignant. En classe, les élèves ont entendu les enseignants s’adresser à lui par le prénom Vincent ou par des pronoms masculins et à l’occasion certains d’entre eux demandaient pourquoi. Les enseignants de Vincent se tournaient souvent vers lui et lui donnaient l’option de donner une explication s’il se sentait à l’aise de le faire. Vincent remarque : « Je n’ai pas eu de problèmes avec les élèves après que je me sois identifié comme étant trans. Je n’ai pas été mis en présence de transphobie ou de tout type d’homophobie à l’école à partir de la 11e année. »

Au second semestre de la 11e année, Vincent a commencé à chercher du travail et espérait pouvoir changer légalement de nom avant de se trouver un emploi de manière à ce que les gens ne s’adressent plus à lui en utilisant son nom de naissance. Il devrait obtenir l’approbation de ses parents, mais les choses ne sont pas bien passées quand il leur a expliqué qu’il était transgenre.

« Ils ont paniqué. Cette expérience n’a pas été positive. Mon père me criait après et ma mère pleurait. Mon père m’a dit que je détruisais ma vie, que jamais je ne trouverais un emploi et que probablement je finirai mort sur une table d’opération. Ils ont vraiment eu beaucoup de mal à accepter ce fait. Ils ne m’appelaient pas Vincent et ne se servaient pas de pronoms masculins. »

Peu de temps après s’être déclaré à ses parents, Vincent a trouvé son premier emploi dans un restaurant rapide. Il a indiqué à l’une des gérantes qu’il faisait des démarches pour changer de nom et qu’il aimerait vraiment avoir Vincent sur son insigne. « Elle m’a regardé et m’a demandé pourquoi. C’est un nom de garçon et tu es une fille. » « Je lui ai dit que j’étais transgenre et que je faisais la transition de fille à garçon. À cela elle m’a répondu « Ben, t’as l’air d’une fille. » J’ai trouvé cela vraiment blessant. J’ai été victime de beaucoup de harcèlement à cet emploi. »

En arrivant à la maison, il a à nouveau imploré ses parents de signer les documents nécessaires pour demander un changement de nom légalement. Il leur a dit : « Cela ne peut plus durer. Je dois changer de nom, ils ne veulent pas changer mon insigne. Je veux que tout le monde au travail m’appelle Vincent et, parce que vous refusez de signer ces documents, je dois tolérer que tout le monde se serve de ce prénom lorsqu’ils s’adressent à moi. Il est temps pour moi de sortir du placard. C’est actuellement le meilleur moment d’agir. C’est mon premier boulot, je n’ai pas de carte de crédit, je n’ai ni à me soucier de mes antécédents de travail ni de mon dossier de crédit. Je n’ai même pas encore mon permis de conduire. » Les parents de Vincent ont fini par signer les documents.

Il m’a dit que le 1er juin 2006 est à jamais imprimé dans sa mémoire, car c’est le jour où le certificat de son changement de nom est arrivé. Lors de son quart de travail suivant, Vincent s’est rendu au travail en brandissant son certificat de changement de nom, le sourire aux lèvres. « Je suis allé voir le gérant et lui ai dit mon nom est officiellement Vincent, veuillez changer mon insigne. » Vincent reconnaît que le changement officiel de nom n’a pas réellement amélioré sa situation au travail, mais cela signifiait qu’aucun nouvel employé ne connaîtrait son ancien prénom. Toutes ses fiches de paie l’identifiaient comme étant Vincent de même que l’horaire de travail. Le changement de nom officiel a également eu pour conséquence que tous ses documents scolaires ont été également officiellement modifiés.

Dans leur ouvrage visionnaire (révolutionnaire/inédit), The Transgender Teen, les auteures Stephanie Brill et Lisa Kenney discutent des conséquences des préjugés et de la méconnaissance des gens par rapport aux personnes transgenres et non binaires. « Les personnes transgenres et non binaires font face à de la discrimination dans tous les aspects de leur vie. Les injustices allant du harcèlement verbal et du refus de les servir à des agressions physiques et (ou) sexuelles sont trop fréquentes… Pour plusieurs personnes qui ne se cachent pas d’être transgenres et celles qui sont visiblement non conformistes sur le plan du sexe, elles sont régulièrement victimes d’épreuves liées aux préjugés. Le stress imposé par le jugement des autres, les préjugés et le rejet s’aggravent avec le temps et peuvent mener à des niveaux épouvantables de souffrance, souvent intolérables. »

J’ai demandé à Vincent s’il est parfois juste « Vincent, l’homme » ou s’il est tout le temps « Vincent, l’homme transgenre. »

« Je pense qu’en ce qui me concerne, le genre correspond plus à un continuum. Ce n’est pas quelque chose qui est soit l’un ou l’autre. Ce n’est pas un système binaire et ce n’est pas seulement une liste de trois options. C’est bien plus large et même si je m’identifie en tant que mâle et que je porte un prénom masculin sur tous mes papiers d’identité, réellement je m’identifie fortement avec le dénominatif trans. Chaque fois que j’ai l’occasion d’inscrire mon genre, sur des formulaires ou autres, je dis que je suis un homme trans. Ceci est dû au fait que toutes les expériences que j’ai vécues au fil des années m’offrent un point de vue que je n’aurais jamais eu si on m’avait assigné le sexe masculin à la naissance. J’ai le sentiment que je n’entre pas dans cette case stricte d’identité masculine. Pour moi, 35 heures par semaine je suis Vincent le gestionnaire éducatif d’une organisation trans. Durant ma semaine de travail, je travaille véritablement dans le domaine de quelqu’un qui est trans. En faisant ce genre de travail, quand je fais des présentations à l’extérieur et parle de mes expériences en tant que personne trans, cela me donne le sentiment que, professionnellement, je suis trans. » Vincent sourit.

« C’est le genre de conversation qui revient souvent dans de nombreux cercles au sein desquels plusieurs fournisseurs de service sont également trans, ou travaillent avec des clients trans ou font un travail ayant trait à l’expérience qu’ils ont vécue. Quand je suis au travail, c’est vraiment là où mon identité entre en jeu. Quand je suis à la maison, je ne regarde ni la série I Am Jazz ni Transparent. Dans mes moments libres, je fais des choses qui n’ont rien à voir avec le fait que je sois trans ou avec les identités multiples des LGBTQ. C’est comme cela que j’ai pu atteindre cet équilibre. Plusieurs personnes, qui travaillent dans le domaine de 35 à 40 heures par semaine, sont totalement absorbées par leur travail lié aux LGBQT-plus tous les autres. De plus, ils essaient de participer à toutes les activités communautaires de la FIERTÉ ou de fréquenter les bars pour homosexuels pendant leur temps libre puis ils se retrouvent en épuisement professionnel. La manière dont j’équilibre les choses que je ne peux éviter, qui font partie de ma réalité homosexuelle et trans tout en le faisant comme emploi à temps plein, est de faire que chaque minute de ma vie ne tourne pas autour de mon identité. »

TG Innerselves offre des services éducatifs sous forme d’ateliers sur l’inclusion des trans qui sont destinés aux organismes et entreprises cherchant à élaborer des politiques qui incluent les personnes transgenres. Il travaille également avec des personnes cherchant à obtenir de l’aide durant leur transition et aborde toute question ou préoccupation concernant l’identité de genre ou l’expression de genre. Parmi les services offerts, on trouve l’organisation d’un groupe de soutien pour les familles et d’un groupe de soutien social. TG Innerselves reçoit de l’aide de plusieurs organisations et agences locales de la région de Sudbury. Bien que théoriquement le financement couvre les jeunes de 12 à 29 ans, le programme œuvre auprès d’une clientèle de tout âge. La majorité de leurs clients sont des jeunes.

Alors que notre discussion touchait à sa fin, j’ai demandé à Vincent quels étaient les conseils qu’il pouvait donner aux travailleurs en éducation sur la manière de mieux soutenir les élèves transgenres et non binaires dans nos écoles. Il m’a dit que ce qui importait le plus était de soutenir les élèves dans leur transition et de leur demander ce dont ils ont besoin. Il a insisté sur l’importance que le personnel appelle les élèves par le nom et les pronoms personnels qu’ils ont choisis et que les conseillers en orientation puissent aider les élèves à trouver les ressources dans la communauté.

« Lors de leur transition, lorsque les jeunes trans ont le soutien inconditionnel de leurs parents et de leur famille, le risque qu’ils se suicident et le taux de comportement suicidaire diminuent de 93 pour cent. Par contre, nombreux sont les jeunes qui n’ont pas le soutien de leurs parents, donc l’école est bien le seul endroit où ils se sentent en sécurité. Dans mon cas, les 18 premiers mois après m’être dévoilé, l’école était le seul lieu où on me soutenait. Mme B. m’a sauvé la vie. Elle m’a présenté à un groupe de jeunes. Elle m’a aussi conduit à l’hôpital un jour ou les choses s’étaient mal passées et que j’étais suicidaire. Soyez la personne à l’écoute des élèves quand personne d’autre ne les écoute. Les 70 minutes que passe un élève dans votre classe sont peut-être le seul moment et le seul endroit où il peut être lui-même et se faire appeler par son nom. »

Vincent fait souvent référence aux statistiques de suicide aux parents à qui il parle. « Je leur dis que ce sont eux qui pourraient faire la différence entre avoir un enfant en vie et un enfant décédé. Mais ne vous méprenez pas, les parents qui viennent me voir et m’écouter sont seulement une minorité. Les parents qui rejettent totalement leur enfant ne me rendent pas visite. Il n’est même pas possible de leur parler. Ce sont ces jeunes qui ont le plus de risque de se suicider, d’où l’importance capitale de les soutenir au sein des écoles. Cela se traduit par l’accès à des toilettes et en les appelant par le nom et les pronoms qu’ils ont choisis. Il faut que le personnel soit à leur écoute. »

Vincent fait remarquer que lorsqu’un élève s’est identifié à l’école, mais pas à la maison, les éducateurs ont parfois affaire à des parents hostiles. Les enseignants et le personnel pourront ne pas avoir de difficulté à utiliser le nom et les pronoms privilégiés par l’élève, mais souvent les parents qui s’opposent à l’identité sexuelle de leur enfant se sentent exaspérés. Vincent explique que ne pas s’adresser à un élève au moyen du nom ou du pronom de son choix constitue une infraction au Code des droits de la personne de l’Ontario et ceci en va de même à l’échelle fédérale. « Cet élève a le droit au nom et aux pronoms personnels de son choix, même si ceux-ci diffèrent de l’information de son certificat de naissance. L’élève est protégé à cent pour cent, de même que l’est toute personne utilisant ces nom et pronom lorsqu’elle s’adresse à l’élève. Là où il faut faire attention, c’est de ne pas inscrire le nom ou les pronoms sur des devoirs ou des bulletins scolaires à moins que l’élève ait demandé qu’on le fasse. Posez la question à l’élève, car vous ne savez pas quelle est la situation à la maison. »

Son histoire m’a profondément touchée de même que son travail. À une époque où il existait très peu de protection en vertu de la loi, cet adolescent a fait preuve de courage en prenant des risques, en demandant de l’aide et s’est frayé un chemin vers l’âge adulte dans des conditions particulièrement difficiles. Dans son bureau, ce n’était pas uniquement le soleil qui perçait par la fenêtre qui illuminait la pièce. La joie de Vincent de pouvoir être lui-même, aider les autres dans leur propre cheminement et induire le changement se voyait dans son sourire radieux.

About Sue Melville
Sue Melville est enseignante au District 3, Rainbow et membre du Comité provincial des services éducatifs.

Leave a comment

Your email address will not be published.


*