Réforme électorale

Plus qu’une expérience en classe

Illustration of a voting box

Une leçon de prédilection d’une classe de civisme ou de politique consiste à organiser des simulations de plusieurs élections. Les candidats, circonscriptions et partis sont rapidement identifiés. Les élèves assurent le maintien des profils précis de l’électorat tout en indiquant leurs pré- férences à l’aide de plusieurs séries différentes de bulletins de vote. Les bulletins de vote sont envoyés à des bureaux fictifs distincts d’Élections Canada. La confusion s’installe invariablement au fur et à mesure que chaque groupe annonce à la classe une série de résultats diffé- rents. Les élèves directeurs généraux des élections dé- couvrent rapidement que leurs instructions, identifiées comme bulletins classés, représentation proportionnelle ou scrutin uninominal majoritaire, diffèrent des autres.

Les élèves apprennent que les modes de scrutin et de dépouillement déterminent tous deux les résultats du moins autant que les préférences des électeurs. Lorsqu’ils s’y attardent plus longtemps, ils s’intéressent particulièrement aux particularités du système de scrutin uninominal majoritaire utilisé à l’heure actuelle lors des élections provinciales et fédérales au Canada.

Dans une circonscription ayant quatre candidats ou partis viables, il est possible de l’emporter avec moins de 30 pour cent des suffrages, comme l’a fait Xavier Barsalou-Duval dans la circonscription de PierreBoucher—Les Patriotes—Verchères au Québec, lors de l’élection fédérale de 2015.

Il est aussi possible qu’un parti remporte 100 pour cent des sièges avec seulement 60 pour cent du suffrage, comme ce fut le cas lors de l’élection provinciale de 1987 à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick.

En fait, au niveau fédéral, des 13 gouvernements majoritaires des 70 dernières années, seulement quatre avaient reçu l’appui de plus de la moitié de l’électorat canadien.

Les élèves voient à quel point il est difficile pour les nouveaux partis, ayant un appui important dispersé à travers le pays, comme le Parti vert, de se faire remarquer et ils sont étonnés d’apprendre qu’un parti ayant des sièges dans une seule province, comme le Bloc Québé- cois, peut constituer l’opposition officielle.

Ils analysent les résultats éventuels des divers autres systèmes électoraux et ils déterminent ceux qui semblent plus précis, plus équitables ou plus repré- sentatifs des intentions des électeurs. Il importe de bien comprendre qu’aucun des systèmes en soi n’aide un parti plus qu’un autre. Tous les partis (et plusieurs électeurs) ajusteront leur comportement d’après les modifications apportées au système électoral.

Les débats et discussions sur la ré- forme électorale sont d’autant plus importants en 2016 et doivent se produire au sein du syndicat, dans les salles du personnel et les salles à manger familiales. Comme candidat à l’élection fédé- rale, Justin Trudeau, le nouveau premier ministre élu, a promis que « la prochaine élection fédérale devrait être la dernière menée sous le système uninominal majoritaire ». Maryam Monsef, ministre des Institutions démocratiques et députée de Peterborough—Kawartha, s’est vu confier la tâche « de formuler une proposition visant à créer un comité parlementaire spécial chargé de procéder à des consultations sur la réforme électorale, y compris les votes préférentiels et la représentation proportionnelle. »

Et le Canada semble être prêt pour la consultation. En décembre 2015, l’Institut Broadbent a constaté que la grande majorité des Canadiennes et Canadiens sont d’avis que le système pour l’élection des députés doit changer. Près de la moitié pensent que ces changements doivent être importants.

Durant la campagne électorale, le Nouveau Parti démocratique, le Parti vert et le Bloc Québécois ont soutenu la représentation proportionnelle. Les Libéraux étaient moins clairs sur leurs préférences quant à la réforme. Les politiques du Parti libéral favorisent le scrutin préférentiel et un précédent caucus était divisé par rapport à la représentation proportionnelle. Les Conservateurs s’opposent à la représentation proportionnelle et entravent à présent le débat de fond nécessaire en se concentrant plutôt sur un référendum national.

Parmi les organisations de la base en quête de modifications au système électoral, Représentation équitable au Canada (Fair Vote Canada) a pris les devants. Il se décrit comme étant à la fois un mouvement et une campagne nationale qui souhaite réformer le système électoral. Des gens de toute allégeance politique y adhèrent. Ils souhaiteraient voir en place, à tous les paliers de gouvernement et dans les institutions de la société civile, un aspect du système de la représentation proportionnelle. OSSTF/FEESO a formellement soutenu leur campagne durant l’élection fédé- rale de 2015. Représentation équitable au Canada exerce actuellement des pressions auprès des députés dans l’espoir que se produise une réforme positive.

Bien que l’on invoque couramment sa complexité, le système de représentation proportionnelle courant chez les réformateurs électoraux est le système de représentation proportionnelle mixte (RPM). Toutefois, cibler la confusion est une fausse accusation.

Mais mettre l’accent sur le chaos constitue une fausse critique.

Tout d’abord, cela suppose que notre système électoral actuel est simple. Tandis que le citoyen moyen peut être en mesure de répondre plus facilement et de façon précise, que selon le scrutin uninominal majoritaire, le candidat vainqueur dans une circonscription est celui qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages le jour des élections. Cependant, plusieurs Canadiennes et Canadiens ont de la difficulté à expliquer de quelle manière une personne devient première ministre et la plupart auraient du mal à décrire une course typique à la direction. Curieusement, aucun parti politique canadien n’utilise le scrutin uninominal majoritaire pour choisir son chef. Expliquer toute la complexité du processus de mise en candidature, généralement considéré comme étant l’obstacle majeur pour les femmes et les autres groupes de citoyens sous-représentés, exige des efforts considérables.

Bien qu’il existe de nombreuses formes de représentation proportionnelle, les discussions des Canadiennes et Canadiens ont porté sur les systèmes de représentation proportionnelle mixtes (RPM). Le principe de la RPM est assez facile. Le descripteur «  mixte  » indique que les votes sont dépouillés de deux façons différentes. Les circonscriptions locales continuent d’avoir un représentant choisi par le plus grand nombre de voix dans cette circonscription. Mais des sièges supplémentaires sont attribués proportionnellement au suffrage populaire.

Pour ceux qui aiment la simplicité  : le nombre de sièges de chaque parti correspond, de façon proportionnelle, au pourcentage du suffrage populaire.

Il existe 181 pays dans le monde entier qui utilisent actuellement des variantes de la représentation proportionnelle à différents paliers de gouvernement. La Nouvelle-Zélande, l’Allemagne, le Mexique et le Venezuela ont tous recours à une forme de RPM pour les élections nationales. Le Canada pourra choisir parmi des possibilités éprouvées, dont chacune se traduirait par des résultats légèrement différents. Plutôt que de chercher un consensus parfait sur le système électoral parfait, les Canadiennes et Canadiens doivent reconnaître que le scrutin uninominal majoritaire doit être définitivement remplacé et se rallier à un système de représentation proportionnelle pour l’avenir.

About Susan Rab
Susan Rab est enseignante au District 25, Ottawa-Carleton et siège au Comité provincial des communications/action politique.

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