Le sport guérit
L’importance du sport pour le renforcement communautaire

par le député provincial Sol Mamakwa
Le député provincial Sol Mamakwa a rédigé cet article comme adaptation d’une vidéo créée et affichée à son compte Youtube en mars 2024.
Au printemps dernier, j’ai assisté au tournoi de hockey des Northern Bands à Dryden, en Ontario. Max Kakepetum dirige le tournoi depuis 37 ans et l’a vu passer de 4 à 44 équipes.
En tant que député provincial de la circonscription de Kiiwetinoong, dans le nord-ouest de l’Ontario, j’essaie d’y assister chaque année (même si je n’y participe pas). Lors du tournoi de cette année, j’ai été invité au banc des Kingfisher Lake Flyers. En passant une semaine avec les joueurs et leurs familles à l’aréna Dryden Memorial, je me suis rappelé à quel point le sport est important pour les Premières Nations du nord de l’Ontario.
De nombreux Ontariens vivant dans d’autres régions de la province ne peuvent pas imaginer vivre dans une communauté sans aréna ou ligue de hockey organisée à proximité. Mais dans la plupart des endroits de Kiiwetinoong, les ligues de hockey organisées n’existent pas. De nombreuses équipes n’ont pas de glace artificielle pour jouer et certaines Premières Nations n’ont que des patinoires extérieures. Les équipes du nord doivent parcourir de longues distances pour jouer au hockey.
Malgré les obstacles auxquels les Premières Nations vivant dans le Nord de l’Ontario doivent faire face pour avoir la possibilité de jouer au hockey, ce sport est bien plus qu’un simple sport. C’est une bouée de sauvetage.
En juin de cette année, la Sioux Lookout First Nations Health Authority (SLFNHA) a publié un rapport intitulé Anishininiiwug Ajimoowin Animisewiinan, une expression anishininiimowin (oji-cri) dont l’une des traductions est « Histoires à propos du mauvais état dans lequel nous nous trouvons ». Le rapport met en lumière les crises de santé mentale et de toxicomanie dans les Premières Nations du nord desservies par la SLFNHA. Se référant au choix du titre, Christian Quequish a écrit que « Pour nous rapprocher du mino bimadiziwin, la belle vie, nous devons pouvoir parler d’animisiwiinan, les choses difficiles de la vie » (2).
Il y a une crise de santé mentale. Il y a une crise du suicide. Cela touche les jeunes des Premières Nations du nord. Beaucoup de gens sont aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Il est difficile d’entendre parler de la mort par suicide d’un enfant de douze ans. Les défis auxquels sont confrontés les peuples des Premières Nations sont la cause directe des traumatismes intergénérationnels causés par le système des pensionnats indiens et la rafle des années 1960. Ces politiques coloniales entraînent une surreprésentation des membres des Premières Nations dans le système de protection de l’enfance et du système carcéral.
Le rapport de la SLFNA nous explique, à l’aide de données, ce que de nombreux peuples des Premières Nations savent déjà par leurs expériences. Par exemple, le rapport montre que les visites ambulatoires et les hospitalisations liées à la santé mentale et à la consommation de substances ont augmenté considérablement pour les Premières Nations de la région de Sioux Lookout au cours des dix années allant de 2011 à 2021 (Anishininiiwug Ajimoowin Animisewiinan, (32). Le taux des décès non naturels était plus de trois fois supérieur à la moyenne provinciale (33). Parmi les recommandations du rapport figure la nécessité d’adopter une approche holistique de la santé, dans laquelle le bien-être mental, physique, spirituel et émotionnel sont considérés comme interconnectés (36).
Dans ce contexte, c’est vraiment beau de voir les membres des Premières Nations de Kiiwetinoong se rassembler chaque année pour des tournois comme le Northern Bands Hockey Tournament, les Little Bands, le Little NHL, et le Tournament of Hope. Lorsque j’assiste aux Northern Bands, je vois des amis et des familles des différentes Premières Nations du nord se réunir. Et lorsque je vois des gens de Kiiwetinoong jouer au hockey, au ballon-balai, au volley-ball ou au base-ball, je vois la prévention du suicide en action. Le sport, c’est la santé mentale.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par le gouvernement canadien en 2016, affirme dans son article 31 que « les peuples autochtones ont le droit de maintenir, de contrôler, de protéger et de développer […] les sports et les jeux traditionnels » et que « les États prennent des mesures efficaces pour reconnaître ces droits et en protéger l’exercice » (22-23). Au Canada, le sport est également un aspect nécessaire à la justice et à la réconciliation. Cela a été reconnu dans 5 des 94 appels à l’action du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2015 (numéros 87 à 91) qui abordent le rôle du sport dans le cheminement du Canada vers la réconciliation.
Le 87e appel à l’action reconnaît que les athlètes autochtones méritent que leurs réalisations soient célébrées et que l’on se souvienne de leur histoire (Commission de vérité et réconciliation, 10). Le 88e appel à l’action demande un soutien à long terme aux athlètes autochtones et un financement accru pour les Jeux autochtones de l’Amérique du Nord (10). Les 89e et 90e appels d’action invitent le gouvernement fédéral à élaborer des politiques pour affirmer le rôle de l’activité physique dans la santé, pour réduire les obstacles à la participation et pour renforcer la capacité de rendre le sport plus inclusif pour les peuples autochtones (10). Cela implique le financement et la mise en œuvre d’une gamme de programmes culturellement pertinents et antiracistes pour les athlètes, les entraîneurs et les autres responsables sportifs. En plus de demander la création d’un programme de développement des athlètes d’élite pour les athlètes autochtones, la Commission a également appelé à la mise en place de « programmes sportifs communautaires qui reflètent les diverses cultures et les activités sportives traditionnelles des peuples autochtones » (10). Enfin, le 91e appel à l’action demande que la planification des événements sportifs internationaux respecte l’autorité territoriale des Premières Nations et que la participation à tous les niveaux de la planification et de la mise en œuvre des événements soit assurée (10).
Dans le cadre de son programme Field of Dreams, la Jays Care Foundation a accordé des subventions pour financer la rénovation et la construction de nouveaux terrains de baseball à plusieurs Premières Nations du Nord de l’Ontario, dont l’un se trouve à l’école secondaire Première Nation de Pelican Falls, près de Sioux Lookout (Bonello). À l’automne 2019, l’école secondaire Premières Nations de Pelican Falls et la Jays Care Foundation ont organisé ensemble un tournoi pour inaugurer le nouveau terrain. Bien que ces initiatives aient des répercussions importantes, les Premières Nations ne devraient pas avoir besoin de compter sur la philanthropie pour disposer d’installations sportives adéquates et considérées comme allant de soi dans la plupart des autres régions de la province.
Il faut que les gouvernements fédéral et provinciaux investissent davantage dans les installations sportives des Premières Nations afin que la possibilité de chausser des patins et de faire du sport ne soit plus une rareté pour de nombreux membres des Premières Nations du Nord. Il y a déjà plusieurs décennies, le Rapport d’intervention de la Nation Nishnawbe Aski (NAN) de 1993 présenté à la Commission royale sur les peuples autochtones indiquait que les sports et les loisirs organisés dans les Premières Nations membres de la NAN dépendent du soutien des conseils de bande pour la programmation, l’existence d’installations et l’organisation de compétitions et de jeux entre Premières Nations. Même si deux de ces recommandations peuvent être mises en œuvre plus facilement, de nombreuses Premières Nations manquent encore d’installations sportives.
Dans un rapport du Centre de collaboration nationale de la santé autochtone, Julie Sutherland identifie des obstacles à l’activité physique dans les Premières Nations, les Inuits et les Métis, notamment les facteurs environnementaux, socioéconomiques et politiques (qui incluent également l’absence d’installations dans de nombreuses communautés), le racisme et le sexisme et, pour les jeunes en particulier, des programmes culturellement non pertinents (13-15).
Les enseignantes et les enseignants ainsi que les travailleuses et travailleurs en éducation dans les écoles de l’Ontario ont la responsabilité de soutenir la mise en œuvre des programmes de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, notamment les programmes liés à l’éducation et aux sports. J’invite les éducatrices et les éducateurs de l’Ontario à veiller à ce que les histoires et les contributions des peuples autochtones dans tous les domaines, incluant les sports, soient mis en valeur et célébrés dans leur enseignement, dans la mesure du possible, et à encourager les élèves qui semblent avoir des difficultés à jouer des sports qui leur procurent de la joie. Le sport guérit.
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Sol Mamakwa
Député provincial, Kiiwetinoong
CITATIONS
Anishininiiwug Ajimoowin Animisewiinan: Mental Health and Substance Use Report. Sioux Lookout First Nations Health Authority, June 2024. https://www.slfnha.com/wp-content/uploads/2024/07/MWSU_Report_Web.pdf
Bonello, J. “PFFNHS, Jays Care Foundation unveil new baseball field.” The Sioux Lookout Bulletin, 8 October 2019, https://www.siouxbulletin.com/pffnhs-jays-care-foundation-unveil-new-baseball-field
Intervention Report: Royal Commission on Aboriginal Peoples. Nishnawbe-Aski Nation, September 1993.
https://data2.archives.ca/rcap/pdf/rcap-598.pdf
Sutherland, J. Indigenous Sports and Recreation Programs and Partnerships Across Canada: A Literature Review and Environmental Scan. National Collaborating Centre for Indigenous Health, 2021. https://www.nccih.ca/Publications/lists/Publications/Attachments/ISR/Indigenous_Sports_and_Recreation_EN_Web_2022-01-27.pdf
Truth and Reconciliation Commission of Canada: Calls to Action. 2015. https://www2.gov.bc.ca/assets/gov/british-columbians-our-governments/indigenous-people/aboriginal-peoples-documents/calls_to_action_english2.pdf
United Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peoples. United Nations, 2007. https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/wp-content/uploads/sites/19/2018/11/UNDRIP_E_web.pdf
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