La révolution commence à la maison
Localiser la lutte pour défendre l’éducation publique

par Munib Sajjad
En 2022, OSSTF/FEESO s’est lancé dans un projet ambitieux visant à nous faire réfléchir et nous remettre en question dans une époque qui nous a déjà tant mis au défi. Tout a commencé avec un objectif unique : « Créer un plan qui facilitera les relations parmi les organisations, les groupes, les communautés et OSSTF/FEESO pour établir une société plus juste, sincère et équitable. » (Plan d’action stratégique d’OSSTF/FEESO 2022).
Après avoir passé les deux dernières années et demie avec OSSTF/FEESO, je suis toujours inspiré par la résilience et la force du personnel en éducation de toute la province. Une des forces que je constate au quotidien est la résilience dont les enseignantes et les enseignants, et les travailleuses et travailleurs en éducation font preuve envers les difficultés et l’adversité d’un gouvernement qui sape leur travail, attaque leurs moyens de subsistance et cherche à les aliéner de leur communauté.
Pour rendre une société plus juste, sincère et équitable tout en créant de nouvelles relations, il faut d’abord réfléchir à nos propres principes et approfondir nos relations avec ceux qui comptent sur nous pour conserver le système d’éducation de classe mondiale de l’Ontario. Notre plan a considérablement évolué en moins de deux ans. C’est dû à nos efforts à défendre l’éducation publique et à notre ambition audacieuse à faire changer les choses en Ontario. Tout doit être repensé et nous devons nous diriger vers une voie qui doit remuer le sol sur lequel nous marchons.
La Fédération a commencé sa démarche en formant un petit comité de membres du comité et de quelques dirigeants locaux élus, intitulé Groupe de travail « S’organiser pour de meilleures écoles et de plus fortes communautés » pour répondre à six questions importantes :
- Comment soutenir et impliquer nos dirigeants locaux à identifier et accroître des relations communautaires positives?
- Comment saurons-nous si nos relations sont positives et se complètent?
- Quels sont les objectifs raisonnables à s’attendre de ces relations?
- Quelles stratégies et quel soutien devrons-nous utiliser à long terme pour entretenir de telles relations?
- Comment pourrons-nous adapter nos efforts locaux pour qu’ils s’alignent avec les objectifs provinciaux/organisationnels?
- Que pouvons-nous apprendre des districts dont les cultures établies ciblent efficacement la promotion de relations communautaires?
Nous avons répondu à ces questions et à plusieurs autres en approfondissant notre réflexion sur les pratiques courantes d’OSSTF/FEESO et les expériences vécues par les membres. Grâce à des discussions approfondies et à une réflexion honnête, nous avons constaté qu’il existe un potentiel inexploité dans bon nombre de nos structures actuelles, ce qui a un impact sur la participation aux activités et aux espaces communautaires, qui repose uniquement sur les dirigeants locaux. Les capacités sont mises à rude épreuve et les opportunités risquent de passer inaperçues. C’est là que nous devons travailler sur l’habilitation des membres, afin qu’ils puissent cerner les membres de leur propre communauté et lutter au niveau local. Nous avons effectué des recherches approfondies sur plusieurs syndicats en Amérique du Nord et évalué des tactiques pour les intégrer dans notre plan. Voici quelques conclusions.
L’équité et la coalition sont au cœur de nos principes fondamentaux
Pour renforcer le pouvoir de l’éducation publique, il est essentiel que les principes soient fondamentalement ancrés dans l’équité et la lutte contre l’oppression. Cela a été confirmé par la façon dont les relations sont cartographiées, la façon dont les communautés ont été contactées et comment les coalitions ont été établies. Les écoles publiques et les établissements postsecondaires peuvent devenir des endroits servant à résoudre les iniquités grâce à un accès libre et universel à l’éducation.
L’établissement de coalitions globales, comme Reclaim Our Schools Los Angeles des United Teachers of Los Angeles, a mis en évidence un bon exemple de participation active et de mobilisation de ressources avec les principaux groupes d’étudiants, de parents et de groupes communautaires. L’établissement de relations avec les groupes s’est fait de manière réflexive et dialectique. La communauté a la possibilité d’identifier les priorités et cela informe les objectifs de la coalition commune.
Cette pratique peut également être liée à la négociation pour le bien commun, où il existe un réseau actif de syndicats, de coalitions et de groupes communautaires qui cherchent à redéfinir les pratiques traditionnelles de négociation, à organiser des campagnes en objectifs d’organisation plus larges avec la communauté.
Les relations sont entretenues grâce à un engagement actif et constant auprès des membres, et non pas uniquement grâce à la participation active des dirigeants locaux aux initiatives menées par la communauté. Cela rend la participation durable et garantit qu’il n’y a aucune perte de capacité de la part du syndicat.
Organisation de nos membres
Pour trouver de nouveaux partenaires dans la lutte pour l’éducation publique, nous devons travailler aux côtés de nos dirigeant(es) locaux, ainsi que de nos membres, pour identifier les communautés clés qui existent dans toutes les régions où nos districts sont implantés. Nos lieux de travail offrent des réseaux et des voies uniques vers diverses communautés. Nos membres seront essentiels pour nous connecter et nous donner une perspective sur les impacts auxquels font face diverses communautés en Ontario sous les conservateurs de Ford.
Pour impliquer nos membres dans le processus, nous reconnaissons qu’ils ne sont pas seulement des enseignants et des travailleurs en éducation, mais qu’ils ont aussi des identités et sont touchés par la multitude de circonstances auxquelles ils sont confrontés. Dans cette optique, puisque nos membres ont des réalités intersectionnelles, notre organisation doit l’être aussi. Comme l’a déclaré un jour Audre Lorde, universitaire et militante des droits civiques, « il n’existe pas de lutte axée sur un seul problème, car nous ne vivons pas une vie axée sur un seul problème ».
L’étendue des intérêts et des priorités de nos membres dépasse de loin ceux auxquels ils sont confrontés au travail. Ils peuvent être affectés par diverses circonstances, qu’il s’agisse de leur situation économique, de leur statut de citoyenneté, de leur race, de leur religion, de leurs croyances, de leur orientation sexuelle, de leur genre et/ou de leur handicap, entre autres. Notre objectif d’améliorer l’éducation publique peut être atteint assez facilement en diversifiant notre approche et en nous concentrant sur les expériences de nos membres ainsi que sur ce qui informe leurs décisions.
Campagnes centrales et programmes de formation
Il est impératif de mettre en place un programme pour atteindre nos objectifs. Cela peut inclure des ateliers sur la cartographie des communautés/membres, sur la manière de tenir des conversations individuelles efficaces avec les membres et la communauté, sur l’organisation d’actions et sur l’utilisation d’outils numériques.
Les syndicats dirigés par leurs membres et dotés de solides structures d’organisation internes sont essentiels à la réussite de l’organisation communautaire. Chaque syndicat étudié a démontré qu’il était actif dans le développement des capacités des membres.
Les syndicats des United Teachers of Los Angeles, le Chicago Teachers Union et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes ont tous un programme d’organisation centrale et/ou un centre de formation pour former les dirigeant(es) locaux et les membres. Les organisateurs centraux, qui travaillent à temps plein, forment les organisateurs locaux, soit au bureau, soit au lieu de travail. Les organisateurs s’emploient ensuite à renforcer la capacité des membres à participer aux campagnes syndicales, à la sensibilisation communautaire et à la coalition.
La route vers 2026 et la négociation pour le bien commun
Appliquer cette théorie et ces recherches n’est pas une mince affaire. Pour y parvenir, il faut un engagement majeur de la part des dirigeants, des ressources et de l’adhésion de la part de la collectivité. C’est là que le Plan d’action stratégique 2023-2027 d’OSSTF/FEESO, envisagé par l’Exécutif provincial, marque le début d’un engagement à bâtir le mouvement pour le changement que nous voulons.
Dans le cadre de ce plan, la Fédération a embauché six organisateurs(trices) régionaux à temps plein qui travailleront à renforcer les capacités des membres et à travailler aux côtés des membres de la communauté pour exploiter notre pouvoir collectif afin d’apporter des changements dans nos communautés. Ils collaboreront avec les membres d’OSSTF/FEESO, les parents, les élèves et les groupes communautaires pour préparer les élections provinciales et scolaires ainsi que notre prochaine ronde de négociations en 2026. Avec une vigueur et une concentration renouvelées, nous travaillons pour être prêts.
Le déploiement de ses organisateurs régionaux ne peut pas être la seule solution. Pour le mener à bien, il est impératif que les membres soient des chefs de file dans leurs communautés. Pour ce faire, nous avons mis sur pied le réseau d’organisation d’OSSTF/FEESO. C’est un espace où les membres pourront travailler en collaboration. Nous savons que les besoins et la composition de l’éducation publique sont uniques dans chaque région. Les stratégies et tactiques d’organisation devront également être uniques pour répondre aux besoins des communautés locales. Il n’existe pas d’approche universelle pour y arriver, et nos réseaux nous permettront de localiser ce pouvoir.
Notre groupe de travail est en cours et un projet majeur sera mené par nos membres pour un examen approfondi et une stratégie sur la manière dont la Fédération peut aborder la négociation du bien commun. Au moyen de cette approche, la Fédération pourra intégrer les principes et les tactiques des syndicats qui révolutionnent déjà leurs structures.
Il ne s’agit pas seulement d’une façon de pratiquer la négociation avec un employeur central ou local, mais aussi de construire un pouvoir à long terme au sein du mouvement syndical et avec la communauté. La négociation, dans l’ensemble du mouvement syndical, est un moment où l’organisation syndicale est à son plus haut niveau d’engagement. Dans un but concerté, les syndicats enrôlent généralement leurs membres pour participer aux votes de grève et aux moyens de pression, y compris les grèves, et exploitent l’influence des travailleurs dans le cadre d’un effort plus large pour sensibiliser le public et faire pression sur les décideurs afin qu’ils répondent aux revendications des travailleurs. Les grèves ne sont pas toujours nécessaires pour obtenir un accord, mais l’impact durable des processus démocratiques efficaces suscite un sens plus profond de l’engagement pour le militantisme. Tirer parti de ce pouvoir pour aller au-delà du simple libellé des contrats sur les salaires et les avantages sociaux dans des campagnes à long terme et utiliser cet élan pour les questions communautaires suscite une influence relationnelle plus profonde et un soutien aux efforts entre les cycles de négociation des contrats. Cela ne signifie pas que nous négligeons ou diluons le libellé dans une convention au nom de la communauté, mais que nous renforçons les conditions de travail du personnel en éducation et que nous augmentons la qualité de vie de tous ceux qui sont directement ou indirectement touchés par l’éducation publique.
La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE) a récemment remporté une victoire écrasante auprès du gouvernement fédéral en créant le Programme national d’alimentation scolaire. Il a fallu de nombreuses années de plaidoyer pour parvenir à ce résultat, car le Canada est le seul pays du G20 à ne pas avoir de programme national d’alimentation scolaire pour ses élèves. La mise en place de ce programme, avec un financement fédéral de l’ordre d’un milliard de dollars, permettra aux élèves les plus marginalisés d’avoir accès à de la nourriture gratuite à l’école. La FCE n’a pas eu à le faire uniquement pour défendre les intérêts du personnel en éducation, mais elle a jugé bon de se concentrer sur les élèves et leurs conditions d’apprentissage. Aucun élève ne devrait aller à l’école sans avoir accès à une alimentation saine et nourrissante et cela ne ferait qu’améliorer les conditions du personnel en éducation pour qu’ils obtiennent les meilleurs résultats d’apprentissage.
En tant que syndicalistes en éducation publique, nous sommes sur la voie d’un changement des cœurs et des esprits. Alors que les conservateurs de Ford diminuent continuellement notre rôle et réduisent le financement de l’éducation, nous devons travailler collectivement pour changer l’opinion publique en étant exigeants dans la définition de cette opinion avec les parents, les tuteurs, les étudiants et tous les intervenants qui croient en l’accès universel à l’éducation. Le travail que nous accomplissons dans les salles de classe, de la maternelle au postsecondaire, s’inscrit déjà dans cette optique, car nous cherchons à inspirer les étudiants dans les choix qu’ils font en tant que membres actifs d’une société juste et équitable.
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