Laissez-nous exister

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Comment le personnel en éducation peut se faire un meilleur allié auprès des élèves noirs

La date de juin 2020 s’est avérée l’expérience de vie la plus traumatisante et révélatrice pour de nombreux élèves noirs. Alors que nous continuons à nous remettre des déterminants de la pandémie de la COVID-19, tout en manquant des jalons de notre enfance, nous avons également vécu un traumatisme racial concernant le mouvement Black Lives Matter et George Floyd. Par conséquent, nous devons également reconnaître le rétablissement des jeunes Noirs du traumatisme racial qu’ils ont vécu à ce moment. De leurs propres yeux, les jeunes Noirs ont pu voir comment leur vie allait devenir une tendance. Ils ont été bombardés de vidéos dans les médias sociaux de personnes qui leur ressemblaient et qui perdaient la vie aux mains de policiers alors qu’ils cherchaient simplement une façon d’aller rejoindre leurs pairs. Lorsque les amis nous lancent des questions comme si nous étions Google, nous demandant « Avez-vous déjà vécu une incidence de racisme?» ou « Qu’est-ce que le racisme? » lorsque nous ne pouvons pas offrir une définition concrète à titre de jeunes Noirs qui s’évertuent toujours à naviguer le monde, nous avons vu notre vie faire l’objet d’un débat parmi nos pairs. Nous avons également cons­taté dans quelle mesure les gens peuvent se montrer performants lorsqu’il s’agit d’apporter des changements pour le mieux dans nos vies et comment la pression pour le changement diminue pour ne devenir qu’une simple tendance discutée lors de la pandémie. Certains voient le mois de juin 2020 comme un moment révélateur pour un grand nombre de personnes, mais ce n’était pas le cas pour un grand nombre de Noirs qui savait que le problème causait déjà des tensions au sein de notre communauté. Nous voyons les efforts de certains qui se poursuivent par la mise en place de nouvelles politiques et de nouveaux mandats visant un environnement plus équitable.

Cependant, si je vous disais que la meilleure façon pour le personnel en éducation de se faire un meilleur allié auprès des élèves noirs est de les laisser simplement exister?

Qu’entend-on par « laisser les jeunes Noirs simplement exister »? Cela signifie de ne pas se tourner les élèves noirs pour obtenir des répon­ses. Ne vous tournez pas vers eux pour savoir pourquoi le racisme demeure irrésolu dans nos écoles en raison de leur manque d’initiative ou de sensibilisation. Ne les forcez pas à être les agents du changement en raison de leur race et lorsque le Mois de l’histoire des Noirs approche. Ne les regardez pas comme des moteurs de recherche vivants de l’expérience noire lorsque des sujets sur le fait noir sont soulevés en salle de classe. Laissez les élèves noirs apprendre sans la peur de se sentir isolés ou étiquetés de stéréotypes. Il incombe au personnel en éducation de prendre l’initiative pour le changement —pour qu’il soit conscient des questions qui pèsent sur les élèves noirs. Oui, ce travail ne peut être fait sans a voix des élèves noirs, mais cela dépend du ton imposé par le personnel en éducation. J’ai noté que le personnel enseignant qui effectue déjà le travail peut inspirer et motiver les élèves à devenir des leaders au sein de leur communauté scolaire. Lorsque le personnel enseignant se tourne vers les élèves noirs en quête de toutes les réponses, cela nous impose un fardeau de plus—être l’adulte, l’enseignante ou l’enseignant lorsque historiquement et en raison de ce préjugé d’adultification, les jeunes Noirs sont déjà forcés de grandir et sont perçus comme étant plus âgés par la société. Aucun élève ne devrait se voir imposer le rôle additionnel d’une enseignante ou d’un ensei­gnant; ils n’en ont pas les qualifications ou le désir. Ils vont à l’école pour apprendre et à devenir les leaders qu’ils doivent être. Alors encore une fois, il incombe au personnel en éducation de donner le ton et du système d’éducation de donner à celui-ci la formation et les ressources appropriées pour y parvenir.

Comment le personnel en éducation peut-il donner le ton? Il peut y parvenir d’un certain nombre de façons–d’abord, en fonction de l’environnement qu’il crée. Interrogez-vous—à titre de membre du personnel en éducation, vous avez effectivement un certain nombre de perspectives en salle de classe? Les élèves noirs sont-ils représentés dans la littérature lue en classe, non seulement la littérature qui porte sur les traumatismes du passé, mais également des histoires qui célèbrent le fait noir? Leur histoire est-elle reconnue lorsque le sujet fait l’objet de discussion? Est-ce qu’on dévoile l’histoire dans tous ses détails? Reconnaissez-vous l’histoire ou les problèmes des élèves noirs lorsque cela vous convient ou lors du Mois de l’histoire des Noirs ou en est-il question à longueur d’année? Les efforts pour devenir allié vont bien au-delà du Mois de l’histoire des Noirs; c’est un état d’esprit, et non des actions performatives qui ne sont effectuées que pour leur caractère pratique. Par conséquent, lorsque vous tentez de faire de votre salle de classe un espace sécuritaire pour les élèves noirs, il faut qu’il s’agisse d’efforts constants, effectués au moyen d’une autoréflexion face à l’action. Demandez-vous régulièrement, « À titre de membre du personnel en éducation, comment puis-je continuer à inclure des perspectives équitables et diversifiées dans ma salle de classe et comment mon manque de connaissances ou mes préjugés implicites me limitent à ce chapitre? ». Ce n’est qu’à partir de là que vous pouvez commencer et continuer à acquérir de meilleures connaissances pour appuyer les élèves et comprendre les recherches qui sont requises afin de mieux répondre aux besoins des élèves.
Le personnel en éducation peut également donner ce ton dans ses connaissances des problèmes qui pèsent sur les élèves noirs. Non seulement leur identité comme personnes noires, mais également les identités croisées qui coïncident avec le fait d’être noir. Souvent et pour cette raison, les élèves noirs trouvent réconfort auprès de personnel en éducation noir. Ils se sentent représentés, comme si l’ensei­gnante ou l’enseignant ne les jugera pas automatiquement et qu’il se fait une meilleure idée de leur expérience, puisqu’il a déjà été un jeune Noir.

De nombreux élèves noirs sont bien au courant des stéréotypes et des perceptions que les gens se font à leur sujet. Ils savent que les membres du personnel enseignant n’ont pas peur de les caser aussitôt qu’ils s’aperçoivent comment nous sommes vêtus, comment nous parlons et la couleur de notre peau. Nous nous ressentons comme si nous avons quelque chose à prouver lorsque nous entrons dans une salle de classe. Par conséquent, les élèves noirs se voient imposer la tâche de prouver qu’ils sont plus qu’un stéréotype. Cela mène à une chose ou l’autre —les élèves se conforment à ces stéréotypes ou essaient de lutter contre le stéréotype auquel ils font face. Les deux options sont épuisantes pour les élèves noirs, réprimant en fin de compte la vraie identité des élèves et son réel potentiel dans la salle de classe. Comprendre les stéréotypes et certains des défis internes auxquels les jeunes Noirs font face peut appor­ter un certain réconfort aux élèves puisqu’ils n’ont plus à expliquer qui ils sont. À titre de membre du personnel en éducation, en sachant comment rendre le milieu plus confortable pour les élèves, vos les guider ainsi vers la réussite.

C’est là la raison principale pour laquelle j’ai créé mon documentaire See All of Me. Lors de mon cours Challenge and Change in Society l’an dernier dans le cadre de mon projet en études indépendantes, j’ai eu la tâche de créer un changement social. J’ai pensé au manque de sensibilisation lorsqu’il s’agit de la compréhension du personnel en éducation face aux stéréotypes et aux défis internes connus qui affligent les élèves noires en particulier. Combien de membres du personnel en éducation rassemblent les problèmes au sujet des élèves noirs comme une seule expérience représentative plutôt de s’arrêter sur comment les identités croisées peuvent entraîner des expériences uniques au sein du système d’éducation. Par conséquent, j’ai rassemblé mes amies noires à l’école et leur ai demandé de me parler de leur expérience dans le système. Bon nombre d’entre elles ont parlé d’enseignantes et d’enseignants qui avaient déjà une idée à leur sujet lorsqu’elles sont arrivées en salle de classe. Comment elles demeurent souvent silencieu­ses en raison des stéréotypes des jeunes Noirs, surtout les femmes noires, parler trop fort ou l’inquiétude de sembler trop agressives lors des discussions de classe. De plus, mes pairs m’ont dit qu’elles ne se sentaient pas comme si leur expérience est représentée en salle de classe. Une de mes amies a même fait la lumière sur le défi interne auquel les élèves noires font face à l’école de se sentir comme si elles doivent en faire toujours plus pour se prouver en salle de classe. Cela finit par avoir une forte incidence sur la santé mentale des élèves noires.

Après la création de ce documentaire, j’ai organisé une première et j’ai animé une discussion en compagnie de l’administration de mon école et des élèves noires pour donner à l’administration la chance d’écouter leurs défis et leurs besoins. La tribune a parlé de ce qui était requis pour apporter des changements dans le système. La discussion s’est avérée une réussite, mais c’est le sentiment de soutien et de communauté engendré par la discussion qui a eu le plus fort impact chez les élèves. Ils se sont sentis à l’opposé de l’isolement—un sentiment d’appartenance. Et ce sentiment d’appartenance permet aux élèves de réussir encore plus. J’applaudis mes amis de leur aide puisqu’il s’agit d’une tâche difficile pour les élèves noirs de s’ouvrir et de s’exposer aux implications négatives sociales, éducatives et émotionnelles. Lorsque les élèves parlent de leur expérience en salle de classe, il y a d’abord le danger que le personnel en éducation le prenne mal et se montre défensif. Bien qu’il s’agisse d’un forum dirigé par les élèves, c’est mon enseignante qui m’a encouragée lors de mon projet et qui m’a donné le soutien qui m’a aidé à en faire une réussite. Lorsque les élèves se voient donner une plateforme, ils deviendront des élèves qui ne craignent pas de se faire entendre. Certains préfèrent ne pas partager, mais apprécient tout de même la plateforme; le seul fait de savoir que nous avons la liberté de nous faire entendre peut parfois suffire. Toutefois, lorsqu’on demande aux élèves de créer eux-mêmes une plateforme, cela place également le fardeau sur eux. Nous devons maintenant défendre nos propres intérêts lorsque nous gérons l’école, les activités parascolaires, la famille, les emplois à temps partiel et notre autonomie.

Une autre façon pour le personnel en éducation de donner le ton est au moyen du respect et de la transparence. Le respect est important pour les élèves, surtout les élèves noirs. Lors­que les membres du personnel en éducation demandent le respect sans rendre la pareille, cela agace les élèves. Lorsque vous ne tenez pas compte de nos idées lorsque nous essayons de participer ou que vous nous abaissez lorsque nous demandons le respect, c’est hypocrite. Les élèves savent quand on leur manque de respect et cela ne fait que les pousser à se désenga­ger dans la salle de classe. Il ne sert à rien de travailler avec quelqu’un qui finira par manquer de respect envers nos pensées et nos expériences. Nous devons prendre la décision personnelle de choisir judicieusement vos batailles pour notre bien-être mental. Même s’il y a un déséquilibre de pouvoir et que l’enseignante ou l’enseignant représente l’autorité dans la salle de classe, le personnel en éducation qui ne peut pas se montrer respectueux envers nous est en train de dire aux élèves sans le moindre doute qu’ils ne valent rien; de plus, nous interprétons le message que le monde est justifié à nous manquer de respect. En plus du respect, il nous faut la transparence. Si le personnel enseignant qui ne craint pas de montrer aux élèves qu’il apprend lui-même et qu’il peut commettre des erreurs, cela en fait le meilleur personnel enseignant. À titre d’élève, je me sens réconfortée lorsque je traite avec du personnel enseignant qui ne craint pas de montrer à ses élèves qu’il est humain tout comme nous et montre qu’il espère lui aussi d’en apprendre davantage au sujet de nous, les élèves. Que ce n’est pas l’effort seul de l’élève qui les fera réussir, mais bien l’effort d’une communauté qui leur ressemble au mo­yen d’un partenariat entre le personnel en éducation et l’élève qui engendre la meilleure réussite pour nous tous.

Ne craignez pas de prendre l’initiative. La peur ne fait que limiter le potentiel pour le changement et la compréhension. C’est le personnel enseignant et les travailleuses et travailleurs en éducation qui ne craignent pas de s’engager dans discussions difficiles comme celles autour de l’injustice et de l’oppression raciales qui motivent les élèves de s’engager courageusement dans des conversations difficiles. La race n’est pas un sujet à éviter; vous avez des élèves qui vivent des problèmes liés à la race sur une base quotidienne. Toutefois, lorsque le personnel enseignant et les travailleuses et travailleurs en éducation ne reconnaissent pas l’oppression raciale, ils passent sous silence une partie de l’identité de l’élève. Il ne s’agit pas simplement de lancer la conversation elle-même, mais bien c’est aussi le contenu de ces discussions qui est important. Comprendre que ce n’est une tâche à prendre à la légère et que le travail que vous effectuez est important. Par conséquent, les limites créées lors de cette discussion, les questions posées par les élèves et les questions qu’ils poseront peut-être. Le personnel en éducation doit être formé pour aborder et s’engager dans des discussions au sujet de l’oppression et l’injustice raciale. Quand le personnel enseignant n’est pas formé à cet égard, il demande souvent aux élèves noirs de combler les lacunes. Le manque de connaissances et de formation pour le personnel en éducation est un grave problème pour l’adoption de stratégies d’enseignement antiracistes.

À titre de jeune leader communautaire et élève noire, je peux vous dire que je n’ai pas toutes les réponses. Je n’ai qu’une perspective sur les expériences des élèves noirs de partout dans le pays qui ont des réalités de vie différentes de la mienne et qui dépendent toutes d’autres facteurs, y compris les identités croisées. Cependant, je demeure tout de même engagé à ces efforts—je commets des erreurs et je porte d’autres responsabilités au-delà de mon travail dans la communauté. Je partage la sagesse de mes expériences et j’apprends des discussions tenues avec mes pairs. J’en suis encore me retrouver dans mon identité lorsqu’il s’agit du fait noir et du leadership.

Ce que j’ai trouvé le plus utile, c’est l’enseignant qui m’a permis d’exister et de me retrouver.

Ce sont les enseignantes et enseignants qui étaient motivés eux-mêmes à apporter un changement et qui voulaient m’aider à être la porteuse de changement que je suis maintenant.

Ce sont les enseignantes et enseignants qui ont encouragé ma participation, sans me demander de porter tout le fardeau de faire les initiatives sans aide.

C’est le personnel en éducation qui animait déjà les activités et les discussions sur le sujet qui m’a indiqué que la salle de classe était un espace sécuritaire où mon fait noir n’est pas considéré comme un obstacle, mais bien quelque chose à accueillir positivement.

C’est l’enseignante qui ne me donne pas des ordres quand j’entre dans la salle de classe — qui traite les élèves noirs comme des êtres humains dotés de sentiments, qui commettent des erreurs et qui veulent s’épanouir.

C’est l’enseignant qui fait savoir à ses élèves que nous sommes tous des êtres humains d’abord et avant tout.

Ce sont là des enseignantes et des ensei­gnants qui me montrent ce que c’est vraiment de devenir un allié et qui me permettent de continuer à avancer et à être leader.

About Kayla Escoffery
Kayla Escoffery (she/her/elle) Membre de Black York Region Youth

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